Réforme des retraites : le Conseil d’Etat rejette les recours des députés " insoumis " sanctionnés
C’est au nom de la « séparation des pouvoirs » que le Conseil d’Etat a rejeté lundi 24 juillet les demandes des députés « insoumis » d’annuler les sanctions qui leur ont été infligées par dizaines à l’Assemblée nationale pour leur comportement lors des débats houleux sur la réforme des retraites.
Les « insoumis » demandaient au Conseil d’Etat l’annulation de toutes ces sanctions, qui constituaient selon eux des « excès de pouvoir » de la part du bureau de l’Assemblée nationale à leur égard.
Mais la plus haute juridiction administrative s’est dite « incompétente » pour se prononcer. Car « en vertu de la tradition constitutionnelle française de séparation des pouvoirs, il n’appartient pas au juge administratif de connaître des litiges relatifs aux sanctions infligées par les organes d’une assemblée parlementaire » à ses membres, a-t-elle fait valoir, dans ses trois décisions distinctes.
Brandissement d’une pancarte et tweets polémiques
Des députés « insoumis » ainsi que d’autres élus de la Nupes brandissent des pancartes « 64 ans c’est non », lors du discours d’Elisabeth Borne, qui recourt à l’article 49.3 à l’Assemblée, afin de faire adopter la réforme des retraites sans vote de l’Hémicycle, le 16 mars 2023. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »
Plus de soixante députés de La France insoumise (LFI) avaient été visés au début d’avril par des rappels à l’ordre pour avoir brandi des pancartes « 64 ans, c’est non » lors de la prise de parole d’Elisabeth Borne dans l’hémicycle, venue recourir à l’article 49.3, le 16 mars dernier.
D’autres rappels à l’ordre – sanction disciplinaire la plus faible prévue par le règlement de l’Assemblée – avaient été adressés par le bureau de l’Assemblée à des députés « insoumis » à la mi-mars, pour avoir fait part sur les réseaux sociaux de la teneur des débats tenus à huis clos en commission mixte paritaire.
Le député LFI Thomas Portes avait quant à lui été exclu de l’Assemblée en février, pendant quinze jours, après qu’il s’était mis en scène pour une photo diffusée sur Twitter, le pied posé sur un ballon à l’effigie du ministre du travail, Olivier Dussopt. L’Hémicycle s’était enflammé après son refus de s’excuser.
Pas de voie de recours
Lors d’une audience début juillet, l’avocat des députés LFI Frédéric Thiriez avait appelé le Conseil d’Etat à faire entendre sa « sagesse » en faisant évoluer sa jurisprudence. « Le statu quo exposerait la France à une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme », avait-il fait valoir.
Il avait rappelé que la Hongrie avait été condamnée en 2016 par cette dernière, pour « violation de la liberté d’expression » de députés d’opposition, sanctionnés pour avoir perturbé une séance en brandissant des pancartes. Les juges européens n’avaient pas reproché la sanction, mais l’impossibilité de la contester. Or, « il n’y a aucun recours possible » dans le règlement de l’Assemblée, avait insisté M. Thiriez.
Le régime de sanction de l’Assemblée « se rattache à l’exercice de la souveraineté nationale par les membres du Parlement », a estimé pour sa part lundi le Conseil d’Etat, selon lequel « la circonstance qu’aucune juridiction ne puisse être saisie d’un tel litige ne saurait avoir pour conséquence d’autoriser le juge administratif à se déclarer compétent ». La jurisprudence européenne n’impose pas « qu’un parlementaire frappé d’une sanction disciplinaire jouisse d’un droit de recours juridictionnel », a ajouté la juridiction administrative.
Source: Le Monde