Ukraine: après les frappes du week-end, Odessa n'a plus d'illusion sur la Russie

RFI
July 25, 2023
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Reportage

La ville d'Odessa, en Ukraine, a toujours du mal à se remettre de la frappe de missile qui l'a touchée au cœur dans la nuit de dimanche 23 juillet. La marine russe a envoyé sur la ville un certain nombre de missiles balistiques, qui se sont abattus sur des infrastructures portuaires, mais également – chose nouvelle – en plein cœur de la vieille ville, patrimoine mondial de l'Unesco, détruisant la principale cathédrale des lieux.

La statue de Jésus, à l'intérieur de la cathédrale de la Transfiguration d'Odessa, a survécu aux missiles russes. Photographiée du 23 juillet 2023.

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Avec notre envoyé spécial de retour d'Odessa, Stéphane Siohan

Meurtrie, Odessa panse ses plaies. Ce qui marque le plus dans cette ville, c'est la poussière et ce vent un peu fou de la mer Noire, qui charrie et projette dans les yeux toutes ces particules de pierre calcaire, provenant de la destruction totale ou partielle de pas moins de 209 bâtiments le week-end dernier.

Il faisait beau ce mardi à Odessa, mais Odessa a le blues, et ça, on le sent tout particulièrement dans le porche de la cathédrale de la Transfiguration, ce monument en plein centre-ville, sur une des rues principales, qui a été partiellement détruit par un tir direct de missile.

Toute la journée, des paroissiens et des badauds se pressent dans le porche sud, épargné. Et ils viennent poser des cierges sur un hôtel improvisé, regardant l'intérieur de la cathédrale dévastée, ses murs éventrés, son toit ouvert et ces pierres ou ces tôles qui s'écrasent sur le marbre dans un énorme fracas, tandis que des ouvriers sécurisent le site.

Odessa est, avec Lviv, la seule cité ukrainienne dont le centre-ville est entièrement classé à l'Unesco, et ce ne sont pas moins de 28 bâtiments classés monuments historiques qui ont été totalement ou partiellement détruits.

Moment touchant avec Daryna, une professeure de droit à l'université, venue aider à déblayer la Maison des scientifiques, vieux manoir urbain du XIXe siècle prisé des chercheurs – l'endroit même où elle avait présenté sa thèse de droit international il y a quelques années.

Barbarian invasion. Odesa House of Scientists. July 23, 2023. My heart aches so much. This place was like a second home. pic.twitter.com/UgPxZRWmao — volodymyr dubovyk (@VolodymDubovyk) July 23, 2023

19 missiles frappés sur Odessa la nuit dernière, un d'entre eux détruit la cathédrale de la Transfiguration, un des principaux monuments de la (magnifique) ville dont le centre est classé monument de l'Unesco en péril pic.twitter.com/Sa0fq2zgTk — Stéphane Siohan (@stefsiohan) July 23, 2023

Ailleurs dans la ville, voulue et construite par l'empire russe il y a deux siècles, des immeubles entiers ont été dévastés. Des pelleteuses déblaient rues et arrière-cours de vieux immeubles remontant souvent au XIXe siècle.

Fort heureusement, si l'on peut dire, les habitants avaient plutôt bien respecté les alertes. Beaucoup s'étaient réfugiés dans les caves et souterrains. Au regard de l'ampleur des destructions, le bilan est miraculeusement bas : seulement deux morts décomptés, et une vingtaine de blessés.

Quelle est la logique de ce bombardement ? Ce qui apparaît, c'est que les Russes et leur marine ont voulu frapper les installations portuaires, les silos, en contrebas de la ville. Des missiles se sont ainsi perdus sur des bâtiments anciens surplombant le front de mer.

Quant à la cathédrale de la Transfiguration, un des prêtres rencontré sur place est sûr et certain que l'attaque était délibérée, alors même que l'église relève de l'Église orthodoxe ukrainienne, liée historiquement au Patriarcat de Moscou.

L'objectif est de punir Odessa, de la mettre à genoux, de paralyser son commerce de céréales, et le commerce de son port, qui est le poumon économique de la ville.

Seulement, les Russes, qui considèrent Odessa comme une ville russe, se rendent coupables de crimes absolument contre-productifs. La belle cité d'Odessa, tellement fière de son rayonnement, a toujours assumé sa part d'héritage culturel russe, vivant dans l'illusion que les Russes, qui la désirent tant, ne la frapperaient pas.

Cette bulle de confiance a explosé, le réveil est brutal et douloureux. Beaucoup d'Odessites n'éprouvent désormais pour la Russie qu'une haine froide et la volonté d'en finir avec ce fantasme malade d'empire perdu.

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Source: RFI