" Blum-Pétain, duel sous l’Occupation ", sur LCP : deux visions de la France qui s’affrontent encore

July 25, 2023
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Témoignage de Léon Blum (debout), le 27 juillet 1945, au procès du maréchal Philippe Pétain, devant la Haute Cour de justice, à Paris. RUE DES ARCHIVES/RENE SAINT P/ECLECTIC PRESSE

LCP – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE

Ce sont deux figures que tout oppose, deux hommes qui ont exercé le pouvoir et dont le duel se cristallisera au cours de deux procès. Julia Bracher et Hugo Hayat retracent, dans ce documentaire réalisé en 2014, les temps forts d’un affrontement parallèle à l’accession au pouvoir du nazisme en Allemagne, à la seconde guerre mondiale et à la Shoah. Un épisode important parce que s’y dessinent deux visions de la France, qui s’affrontent encore.

« L’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi », énonce Philippe Pétain (1856-1951), dans une allocution du 20 juin 1940, deux jours avant de signer l’armistice dans le wagon de Rethondes (Oise). Il vise les mesures prises par le gouvernement de Léon Blum (1872-1950) – le premier à compter des femmes – entre 1936 et 1938, dans un climat d’attaques antisémites très violentes de l’extrême droite. Réduction du temps de travail, congés payés, création d’un ministère des sports et des loisirs…

Parodie de procès

Arrivé au pouvoir à la faveur de la défaite, Pétain contraint les parlementaires – avec lesquels il ne veut pas discuter – à lui voter les pleins pouvoirs. « Pétain répète encore et toujours qu’il ne fait pas de politique. Il n’est ni de droite ni de gauche, c’est un militaire. Sa conception du pouvoir : la hiérarchie », souligne l’historien Marc Ferro (mort en avril 2021). Seuls 80 députés, dont Léon Blum, votent contre. La collaboration avec l’Allemagne nazie, la promulgation des lois antisémites, la persécution des adversaires politiques commencent. « On répétait à la radio, Radio Paris, que les juifs étaient les rats de l’humanité », se souvient l’ancien ministre Robert Badinter, qui voyait des inscriptions antisémites sur le chemin de l’école.

Au cœur du film se trouve la parodie de procès, de février à avril 1942, que Pétain ordonna contre le leader socialiste et contre le Front populaire, à Riom (Puy-de-Dôme). Ridiculisé par la défense argumentée et politique du fin juriste, Pétain est contraint, sous la pression d’Hitler, de suspendre sine die la procédure. Les deux hommes vont enfin se faire face lorsque les rôles s’inversent. Reconnu coupable de haute trahison et d’intelligence avec l’ennemi à l’été 1945, Pétain finira sa vie en prison. Léon Blum, affaibli par sa déportation, deux ans durant, à Buchenwald (Allemagne), sera rappelé aux plus hautes fonctions. Des obsèques nationales seront organisées à sa mort, en 1950.

Passionnants sont les récits des historiens Serge Berstein et Marc Ferro, ou de Robert Badinter, parfois témoins directs des faits rapportés. L’historienne Dominique Missika apporte un éclairage sur le rôle qu’a joué Jeanne Blum (1899-1982), la troisième épouse de Léon. Le documentaire relate les faits, illustrés de précieuses images d’archives – celles où Hitler se promène dans Paris occupée font toujours froid dans le dos – et de dessins, à la manière des dessinateurs judiciaires, quand les images n’existent pas.

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Source: Le Monde