Avec " La Main ", les frères Philippou dévoilent une terrifiante expérience de spiritisme

July 26, 2023
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Mia (Sophie Wilde) dans « La Main », de Danny et Michael Philippou. CAPELIGHT PICTURES OHG

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

Les mécanismes narratifs du cinéma d’horreur procèdent, la plupart du temps, d’un principe a priori immuable, condition essentielle d’une efficacité construite sur la capacité du spectateur à se reconnaître et à s’identifier. La peur est un sentiment d’autant plus fort qu’il s’engendre dans le processus d’une familiarité se déréglant insensiblement ou brutalement. Il faut savoir gré au film des frères Philippou, jeunes acteurs, cinéastes et scénaristes australiens, inventeurs de la chaîne YouTube parodique « RackaRacka », d’avoir su, dans une certaine mesure, inverser ces données, en faisant ainsi du neuf avec ce qui semble être du vieux.

La Main, titre français discutable de Talk to Me (« parle-moi »), démarre sur les chapeaux de roues. Le surnaturel semble, dès les premiers moments du film, comme une dimension innée, une donnée immédiate, une présence indiscutable. Un groupe de jeunes gens se réunit régulièrement pour se livrer à une expérience particulière. L’un d’entre eux possède une main sculptée qu’il suffit d’empoigner en prononçant quelques paroles rituelles (« Laisse-moi entrer ! ») pour éprouver diverses hallucinations effrayantes, promettant un trip particulier et sans équivalent.

Ces visions, qui déclenchent une sorte de transe, représentent, en fait, les esprits de personnes mortes essayant de réintégrer le monde des vivants. Mais ce serait un peu court. L’exigence première consiste, bien sûr, à limiter le temps du « voyage », sous peine d’ouvrir une porte à diverses créatures de l’au-delà. Le plus jeune du groupe transgresse cette prescription et se trouve pris d’une furie autodestructrice particulièrement violente (il tente de se tuer en se projetant la tête contre les murs) et sombre dans le coma.

Des morts parmi les vivants

Sa sœur et surtout une amie de celle-ci, une jeune aborigène considérée comme responsable de cette situation, tentent d’inverser les choses en affrontant les spectres. Ce qui va devenir une façon de faire face aux conditions de leur propre existence. Et c’est alors que le film effectue comme un mouvement involutif où l’on passerait de l’effet (la brutalité, parfois gore, des événements) à la cause (les origines psychologiques et individuelles de ceux-ci).

Dans sa seconde partie, La Main dévoile progressivement le présent et le passé de personnages hantés par diverses souffrances psychologiques : le deuil, l’abandon, la solitude. Du caractère extraordinaire des visions et apparitions fantomatiques vont surgir la douleur et l’inertie de vies sans qualités, à la fois banales et singulièrement tristes. Le « talk to me » du titre d’origine s’avoue comme le programme d’une objurgation première, celle de parler… et de soi, bien entendu.

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Source: Le Monde