Au Niger, le président Bazoum, séquestré par des militaires, rejette le coup d’Etat

July 27, 2023
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Des partisans du président nigérien Mohamed Bazoum se rassemblent pour lui manifester leur soutien à Niamey le 26 juillet 2023. - / AFP

Séquestré par des militaires qui affirment l’avoir renversé, le président nigérien Mohamed Bazoum a rejeté, jeudi 27 juillet, ce coup d’Etat mené dans la résidence présidentielle de la capitale, Niamey. Son bras droit, Hassoumi Massaoudou, assure que le régime actuel représente les « autorités légitimes » et appelle les officiers « factieux » au dialogue. « Les acquis obtenus de haute lutte seront sauvegardés. Tous les Nigériens épris de démocratie et de liberté y veilleront », a déclaré M. Bazoum dans un message publié jeudi matin sur Twitter, rebaptisé X, quelques heures après que des militaires ont annoncé sur la télévision nationale l’avoir renversé.

Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger, jusqu’alors allié des pays occidentaux, devient le troisième pays du Sahel miné par les attaques de groupes liés à l’Etat islamique et à Al-Qaida, à connaître un coup d’Etat depuis 2020.

« Nous sommes les autorités légitimes et légales », a de son côté déclaré sur France 24 Hassoumi Massaoudou, chef de la diplomatie nigérienne et chef du gouvernement par intérim, en l’absence du premier ministre qui était en déplacement au moment du putsch. « Il y a eu une tentative de coup d’Etat », mais « ce n’est pas la totalité de l’armée qui a engagé ce coup d’Etat », a assuré M. Massaoudou, de Niamey. « Nous demandons à ces officiers factieux de rentrer dans les rangs. Tout peut s’obtenir par le dialogue mais il faut que les institutions de la République fonctionnent », a-t-il poursuivi.

Le bras droit du président a également lancé « un appel à l’ensemble des patriotes et démocrates nigériens pour qu’ils se lèvent comme un seul homme pour dire non à cette action factieuse qui tend à nous ramener dix ans en arrière et à bloquer les progrès de notre pays ».

Mercredi soir, des militaires putschistes annonçaient à la télévision nationale avoir renversé le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum, au pouvoir depuis 2021. « Nous, Forces de défense et de sécurité (FDS), réunis au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, avons décidé de mettre fin au régime que vous connaissez », celui du président Bazoum, a déclaré le colonel-major Amadou Abdramane, entouré de neuf autres militaires en tenue. « Cela fait suite à la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale », a-t-il ajouté.

Putsch condamné et libération exigée par les instances internationales

La junte, qui rassemble tous les corps de l’armée, de la gendarmerie et de la police, a suspendu les institutions, fermé les frontières terrestres et aériennes, instauré un couvre-feu de 22 heures à 5 heures du matin [21 heures à 4 heures, heure de Paris].

Cette annonce est survenue à l’issue d’une journée de tensions mercredi à Niamey, marquée par ce que le régime avait appelé « un mouvement d’humeur » de la garde présidentielle qui retient le président Bazoum dans sa résidence officielle. Des pourparlers entre M. Bazoum et la garde présidentielle pour tenter de trouver une solution, sans que l’on sache quelles étaient les exigences des militaires, ont échoué.

Le putsch annoncé a été vivement condamné par tous les partenaires du Niger et le haut-commissaire de l’organisation des Nations unies aux droits de l’homme. Volker Türk a demandé jeudi, tout comme l’Union européenne (UE), que le président nigérien soit « libéré immédiatement et sans condition ». « Je suis choqué et affligé par la tentative de prise de pouvoir militaire au Niger et je la condamne dans les termes les plus forts. Tous les efforts doivent être entrepris pour rétablir l’ordre constitutionnel et l’Etat de droit », a fait savoir le haut-commissaire dans une déclaration envoyée aux médias.

« L’Union européenne réclame la libération immédiate du président Bazoum, de sa famille et de son entourage », a déclaré pour sa part Nabila Massrali, porte-parole du service diplomatique de l’UE, soulignant que les 27 étaient prêts à participer aux efforts en cours « pour trouver une solution pacifique à cette tentative de coup d’Etat ».

« La sécurité [du président Bazoum] doit être assurée. Les membres de son gouvernement et leurs proches, détenus arbitrairement, doivent également être libérés immédiatement et sans conditions préalables », a par la suite ajouté Volker Türk.

Il a exhorté « tous les acteurs à s’abstenir de toute violence et à respecter les droits et les libertés fondamentales de tous ». « Il est dans l’intérêt de tout le peuple nigérien que les importants acquis démocratiques réalisés ces dernières années soient protégés et préservés », a souligné le haut responsable onusien.

La diplomatie russe a également souhaité jeudi la « libération rapide » du président nigérien. Dans son communiqué, Maria Zakharova, la porte-parole du ministère des affaires étrangères russe, a ajouté appeler les deux parties « à s’abstenir de recourir à la force et à résoudre toutes les questions litigieuses par un dialogue pacifique et constructif ».

Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a dit avoir pu parler avec M. Bazoum mercredi, pour lui assurer « clairement que les États-Unis le soutenaient résolument en tant que président démocratiquement élu du Niger », exigeant sa libération immédiate.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, actuellement présidée par le Nigeria, a dit avoir pris connaissance « avec stupeur et consternation » de la « tentative de coup d’Etat au Niger », dans un communiqué publié mercredi après-midi. Selon les informations du Monde, une délégation de la Cedeao doit se rendre au plus vite à Niamey. En début de soirée, la Cedeao a fait savoir que le président béninois, Patrice Talon, était en route pour le Niger afin de servir de médiateur. La France a condamné « toute tentative de prise de pouvoir par la force » au Niger, ainsi que l’Allemagne qui a appelé à « libérer immédiatement le président démocratiquement élu » et demandé à l’armée « de retourner dans ses casernes ».

Source: Le Monde