Après le coup d’Etat au Niger, l’Union européenne suspend son aide budgétaire au pays et sa coopération sécuritaire

July 29, 2023
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Vingt-quatre heures après que le général Abdourahamane Tiani a pris la parole à la télévision nationale nigérienne pour se déclarer à la tête du coup d’Etat en cours pour renverser le président, Mohamed Bazoum, les réactions pour condamner ce coup de force s’accumulent. L’Union africaine (UA) « exige des militaires le retour immédiat et sans condition dans leurs casernes et le rétablissement de l’autorité constitutionnelle » sous quinze jours, a ainsi déclaré, samedi 29 juillet, son Conseil de paix et de sécurité.

Dans un communiqué, il « se déclare profondément préoccupé par la résurgence inquiétante des coups d’Etat militaires » sur le continent et condamne « avec la plus grande fermeté » la prise de pouvoir des militaires à Niamey contre un président « démocratiquement élu », dont elle réclame la « libération immédiate ». L’organisation panafricaine se dit prête à prendre « toutes les mesures nécessaires, y compris des sanctions punitives, à l’encontre des auteurs, au cas où les droits des détenus politiques ne seraient pas respectés ».

De son côté, l’Union européenne (UE) « ne reconnaît pas et ne reconnaîtra pas les autorités issues du putsch » au Niger, et suspend immédiatement « toutes ses actions de coopération » avec le pays, a déclaré samedi 29 juillet son chef de la diplomatie, Josep Borrell. Mohamed Bazoum « a été démocratiquement élu, il est et demeure donc le seul président légitime du Niger. Sa libération doit avoir lieu sans condition et sans délai », a-t-il écrit dans un communiqué, ajoutant qu’outre la suspension de toute aide budgétaire, « toutes les actions de coopération dans le domaine sécuritaire sont suspendues sine die avec effet immédiat ».

Emmanuel Macron présidera un conseil de défense samedi

A nouveau, les Etats-Unis ont apporté vendredi leur « indéfectible soutien » au président élu, Mohamed Bazoum, par la voix de leur secrétaire d’Etat, Antony Blinken. Le président nigérien « doit être immédiatement libéré » et « l’ordre constitutionnel doit être restauré », a-t-il ajouté samedi d’Australie où il est en déplacement.

Même fermeté du côté de la France. Le président, Emmanuel Macron, en déplacement en Papouasie-Nouvelle-Guinée, a également condamné vendredi « avec la plus grande fermeté le coup d’Etat militaire, parfaitement illégitime et profondément dangereux pour les Nigériens, pour le Niger, et pour toute la région ». « C’est pourquoi nous appelons à la libération du président Bazoum et à la restauration de l’ordre constitutionnel », a poursuivi M. Macron.

Il doit présider samedi dès 15 heures un conseil de défense convoqué en urgence pour évoquer la situation au Niger, alors que la France compte actuellement 1 500 militaires déployés dans ce pays considéré comme partenaire privilégié de Paris au Sahel. Auparavant essentiellement une base de transit pour les opérations au Mali, dont la force « Barkhane » s’est retirée, il est le seul pays africain avec lequel la France entretient encore un partenariat dit « de combat » contre les djihadistes.

Dimanche, « un sommet spécial » de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), à laquelle appartient le Niger, se tiendra également à Abuja, au Nigeria pour évaluer la situation, avec de probables sanctions à la clé.

M. Bazoum entame samedi sa quatrième journée de séquestration dans sa résidence présidentielle, mais a pu s’entretenir au téléphone avec d’autres chefs d’Etat, parmi lesquels Emmanuel Macron.

Troisième pays du Sahel à connaître un coup d’Etat depuis 2020

Le général Abdourahamane Tiani a pris la parole à l’antenne de la télévision nationale au Niger, vendredi à midi (heure locale, 13 heures à Paris) pour se déclarer à la tête du coup d’Etat. Il était jusqu’alors chef de la garde présidentielle qui séquestre M. Bazoum et sa famille dans la résidence présidentielle de Niamey.

« Le Conseil national de la sauvegarde de la patrie réaffirme sa volonté de respecter tous les engagements internationaux », a notamment déclaré le général, avant de poursuivre : « Le conseil, par ma voix, demande aux partenaires et amis du Niger, en cette étape cruciale de la vie de notre pays, de faire confiance à nos forces de défense et de sécurité, garantes de l’unité nationale, de l’intégrité du territoire et des intérêts supérieurs de notre nation. »

Le général Abdourahamane Tiani, nouvel homme fort du Niger, s’exprimant à l’ORTN-Télé Sahel en tant que « président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie », le 28 juillet 2023. AP

Proclamé ensuite chef de l’Etat par ses pairs, il a justifié le coup d’Etat entamé mercredi par « la dégradation de la situation sécuritaire » dans un Niger miné par la violence de groupes djihadistes. Selon lui, « l’approche sécuritaire actuelle n’a pas permis de sécuriser le pays en dépit de lourds sacrifices consentis par les Nigériens et le soutien appréciable et apprécié de nos partenaires extérieurs » – la France et les Etats-Unis faisant partie des principaux –, à qui il demande de « faire confiance à nos Forces de défense et de sécurité ».

M. Tchiani devait sa nomination à la tête de la garde présidentielle, en 2011, à Mahamadou Issoufou, le prédécesseur de Mohamed Bazoum. Ce dernier avait décidé de maintenir le général à son poste lors de son arrivée à la tête de l’Etat, en 2021.

La junte, qui rassemble tous les corps de l’armée, de la gendarmerie et de la police, a suspendu les institutions, fermé les frontières terrestres et aériennes, et instauré un couvre-feu.

Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger, jusqu’alors allié des pays occidentaux, devient le troisième pays du Sahel, miné par les attaques de groupes liés à l’Etat islamique et à Al-Qaida, à connaître un coup d’Etat depuis 2020. Le Mali et le Burkina Faso se sont notamment tournés vers la Russie après avoir exigé le départ des soldats français de leur sol. Le putsch au Niger a été vivement condamné par les partenaires occidentaux du Niger et les Nations unies.

Source: Le Monde