Restitution d’œuvres d’art : la décolonisation est en marche dans les musées européens
Le président français, Emmanuel Macron, et le président béninois, Patrice Talon, visitent l’exposition « L’Art béninois d’hier et d’aujourd’hui : de la restitution à la révélation » au Marina Palace de Cotonou, le 27 juillet 2022, dans le cadre de la visite officielle au Bénin. STÉPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA
Décembre 2022. Un avion allemand se pose sur le tarmac d’Abuja, capitale du Nigeria. A son bord, une précieuse cargaison : vingt bronzes du Bénin pillés lors du raid punitif mené en 1897 par les troupes britanniques, que l’Allemagne s’apprête alors à rendre au Nigeria. L’acte symbolique consacre la restitution, actée en juillet 2022, de 1 100 bronzes de Benin City détenus dans les collections germaniques.
Un mois plus tôt, c’était le Horniman Museum de Londres qui organisait une cérémonie pour accompagner le transfert de propriété de 72 objets au Nigeria. La même année, en février, au moment où le Bénin fêtait en grande pompe le retour au pays de 26 objets du trésor d’Abomey restitués par la France, la Belgique envoyait à la République démocratique du Congo l’inventaire numérique pour étude des 85 000 objets détenus dans les collections fédérales, préambule à l’adoption en juillet dernier d’une loi fédérale de restitution.
Un inexorable mouvement de réparation secoue désormais l’Europe. « Ce qui semblait mission impossible est devenu possible », se réjouit l’historienne française Bénédicte Savoy, qui salue la « fin du déni colonial ». La France a donné le « la ». En novembre 2017, de passage à l’université de Ouagadougou, au Burkina Faso, Emmanuel Macron exprime le souhait que « d’ici à cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Un rapport publié l’année suivante par Bénédicte Savoy et l’économiste sénégalais Felwine Sarr en appelle à des restitutions massives. Pas si simple. Les collections nationales sont inaliénables, les résistances des conservateurs considérables.
« Une vraie petite révolution »
Six ans après le discours de Ougadougou, la ministre de la culture, Rima Abdul Malak, annonce en janvier qu’elle soumettra début 2024 une proposition de loi-cadre sur les restitutions de biens culturels non occidentaux, inspirée des préconisations du rapport de l’ex-président du Louvre Jean-Luc Martinez, dévoilé le 27 avril. Le même jour, une cinquantaine de directeurs de musées européens et africains signent la « déclaration de Dakar », inaugurant une nouvelle ère de collaboration entre les deux continents. « Contrairement aux alarmistes qui pensaient qu’on allait vider les musées, le mouvement de réflexion a permis un rapprochement entre les conservateurs européens et africains, se félicite El Hadji Malik Ndiaye, directeur du Musée Théodore-Monod à Dakar. Les gens se regardent, se répondent, travaillent ensemble, une vraie petite révolution ! »
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Source: Le Monde