Anticor demande à la justice d'enquêter pour détournement dans l'affaire des garanties de salaire

May 03, 2023
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L'association anticorruption estime à plus de 15 milliards d'euros le préjudice entre 2009 et 2022.

L'association anticorruption Anticor a demandé l'élargissement des investigations dans l'affaire AGS, soupçonnant des détournements de biens publics d'une quinzaine de milliards d'euros au moins au détriment de ce régime qui garantit les créances salariales dans des entreprises défaillantes, a indiqué mercredi l'avocat d'Anticor. Dans sa constitution de partie civile adressée mardi au tribunal de Paris, Anticor a dénoncé «un système frauduleux», dans lequel certains mandataires judiciaires ont pu profiter d'une «absence de contrôle» de l'AGS pour détourner des fonds.

Une information judiciaire est déjà en cours à Paris, après des plaintes contre X déposées en 2019 par l'Association pour la gestion du régime de garantie de créances des salariés (AGS, organisme patronal), la délégation Unédic AGS (DUA), le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) pour corruption, abus de confiance et prise illégale d'intérêts. Anticor souhaite que le juge d'instruction soit également saisi pour détournement de biens publics : elle estime à plus de 15 milliards d'euros le préjudice subi par l'AGS entre 2009 et 2022.

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Jouer le rôle d'amortisseur

Créée en 1974, l'AGS joue un rôle d'amortisseur. En cas de difficultés d'une entreprise (redressement, liquidation...), ce régime, alimenté par des cotisations patronales obligatoires, octroie des avances pour régler les sommes dues aux salariés, par l'intermédiaire de mandataires judiciaires. Puis l'AGS est remboursée – en général partiellement – si le plan de redressement ou la vente des actifs en cas de liquidation le permet. Anticor soupçonne des détournements lors des différentes étapes du processus.

D'une part, avant 2019, des mandataires judiciaires pouvaient demander des versements d'avances sans que l'AGS ne vérifie si l'entreprise défaillante en avait réellement besoin, selon Anticor. Depuis, un contrôle a été mis en place et de nombreuses demandes refusées (pour plus de 55 millions d'euros d'avances depuis octobre 2020, selon Anticor). «Ces demandes d'avances injustifiées, sur présentation d'éléments mensongers (...) caractérisent l'infraction de détournement de biens», estime Anticor.

D'autre part, une fois les demandes d'avances approuvées, l'association «a la certitude qu'une partie des fonds, qui doivent être versés aux salariés, ne leur arrive pas», a expliqué Me Jérôme Karsenti, l'avocat de l'association, qui accuse certains mandataires d'avoir détourné a minima 700 millions d'euros. Autre méthode soupçonnée : le non-remboursement de l'AGS.

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Anticor dénonce la «labellisation»

Les entreprises défaillantes doivent transmettre leurs actifs disponibles aux mandataires judiciaires en vue de rembourser l'AGS. Mais Anticor soupçonne des mandataires d'émettre des «certificats d'irrecouvrabilité mensongers» pour garder «dans leur poche» le produit de la vente des actifs. Enfin, Anticor dénonce l'ancien principe de «labellisation». Ces labels, attribués «au doigt mouillé», permettaient à de nombreuses études de voir leurs frais avancés sans «véritable contrôle», selon Me Karsenti. En 2019, la nouvelle directrice de l'AGS Houria Aouimeur-Milano avait dénoncé devant la justice des pratiques attribuées à l'ancienne équipe dirigeante de l'AGS et de la DUA, menant à l'ouverture d'une information judiciaire.

Mais depuis 2022, Houria Aouimeur-Milano a elle-même été visée par une succession d'audits, commandés notamment par l'Unédic qui lui reproche d'avoir enfreint les règles du code des marchés publics, insuffisamment protégé les données de l'AGS ou encore mené un train de vie «excessif». Elle a été licenciée en mars dernier. Son avocate Stéphanie Lamy a précisé avoir demandé «sa réintégration au sein de l'AGS en qualité de lanceur d'alerte». Ce dossier, en référé, doit être plaidé le 5 juin aux prud'hommes de Paris.

Source: Le Figaro