Sénégal : l’opposant Ousmane Sonko, inculpé, voit son parti dissous par le gouvernement
Ousmane Sonko s’adresse à ses partisans lors d’un meeting à Dakar, le 14 mars 2023. JOHN WESSELS / AFP
La pression augmente contre Ousmane Sonko. Le plus farouche opposant au président sénégalais, Macky Sall, a été inculpé et écroué lundi 31 juillet pour divers crimes dont l’appel à l’insurrection, et son parti a été dissous. M. Sonko, 49 ans, voit ainsi s’ouvrir une troisième procédure judiciaire à son encontre, qui risque de compromettre davantage sa participation à l’élection présidentielle de février 2024.
Moins de deux heures après l’inculpation de M. Sonko, le ministre de l’intérieur, Antoine Diome, a annoncé dans un communiqué la dissolution de son parti, le Pastef, créé en 2014, justifiant sa décision par les appels « fréquents » de son fondateur à des « mouvements insurrectionnels » qui ont fait selon lui de nombreux morts en mars 2021 et juin 2023 et entraîné « des actes de saccage et de pillage de biens publics et privés ».
Le parti de M. Sonko a réagi dans un communiqué transmis à l’Agence France-Presse (AFP). La « stabilité [du Sénégal] est désormais compromise, car le peuple n’acceptera jamais cette ultime forfaiture », écrit le parti, dénonçant un emprisonnement « sous des motifs fallacieux » et disant prévoir d’attaquer la dissolution par des « voies légales ».
L’opposant avait été condamné le 1er juin à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs, un verdict qui le rend inéligible en l’état, selon des juristes. Sa condamnation avait engendré les troubles les plus graves depuis des années au Sénégal, qui ont fait seize morts selon les autorités, une trentaine selon l’opposition.
« C’est une farce », a réagi Me Ciré Clédor Ly au placement en détention de son client pour huit chefs d’accusation, dont « appel à l’insurrection, association de malfaiteurs, atteinte à la sûreté de l’Etat, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » et « complot contre l’autorité de l’Etat ». L’avocat a dénoncé « un dessein qui a été formé, réfléchi, planifié et exécuté ». Après avoir été arrêté vendredi, l’opposant poursuivait lundi sa grève de la faim qu’il a entamée dimanche, ont dit ses avocats à la presse.
Interruption d’Internet
Les autorités ont coupé lundi temporairement l’accès à Internet sur les téléphones mobiles en mettant en avant la « diffusion de messages haineux et subversifs » sur les réseaux sociaux, après les appels à manifester contre l’arrestation de M. Sonko.
Des heurts sporadiques ont éclaté en début de soirée aux Parcelles assainies, dans la banlieue de Dakar, où des jeunes se sont attaqués aux forces de l’ordre, qui les ont dispersés à l’aide de gaz lacrymogènes, ont constaté des journalistes de l’AFP. Dans le centre de la capitale, de nombreuses personnes, inquiètes, se précipitaient pour prendre les moyens de transport, qui se faisaient rares. La société qui gère le train rapide reliant Dakar à sa banlieue a annoncé lundi après-midi sur le réseau social X (ex-Twitter) « l’arrêt de la circulation sur toute la ligne en raison d’actes de malveillance » commis par des protestataires.
A Ziguinchor, la grande ville du Sud dont M. Sonko est le maire, des heurts ont éclaté entre ses partisans et la police, a constaté un correspondant de l’AFP. Des groupes de jeunes y ont lancé des pierres aux policiers, qui ont tenté de les disperser à coups de grenades lacrymogènes. Plusieurs rues ont été barrées par les manifestants.
M. Sonko crie au complot du président de la République, Macky Sall, pour l’écarter de la présidentielle de 2024. Le chef de l’Etat sénégalais, élu en 2012 pour sept ans puis réélu en 2019 pour cinq ans, s’en est défendu. Il a annoncé le 3 juillet qu’il ne se présenterait pas à ce scrutin.
Source: Le Monde