Putsch au Niger : pourquoi la France et Macron sont en pointe contre le coup d’État
LUDOVIC MARIN / AFP LUDOVIC MARIN / AFP
POLITIQUE - Les yeux rivés sur Niamey. La tentative de coup d’État au Niger, débuté le 26 juillet dernier, a provoqué une vague de réactions internationales presque immédiates. Dans la région, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a donné une semaine aux putschistes pour rétablir le président Mohamed Bazoum dans ses fonctions.
Ailleurs, les États-Unis n’ont mis que quelques minutes pour agiter la menace d’une suspension de leur partenariat économique et sécuritaire. Une décision prise dès samedi par Paris qui a annoncé l’arrêt provisoire de son aide au développement et de son appui budgétaire, tout comme Berlin, Madrid ou plusieurs capitales depuis.
En France, Emmanuel Macron a présidé un Conseil de Défense entièrement consacré à la situation dimanche. L’Élysée a choisi de hausser le ton contre les potentielles attaques contre les intérêts français, et les enjeux commencent à investir le débat politique. Une forme d’inquiétude toute particulière qui témoigne des liens historiques et stratégiques entretenus par les Occidentaux avec le Niger. A fortiori par la France.
Le dernier pivot antidjihadiste au Sahel
À Paris, la question prégnante semble être sécuritaire, bien plus qu’économique, selon les spécialistes. Avec 1 500 militaires sur place, le Niger, ancienne colonie française indépendante depuis 1960, constitue le dernier pivot du dispositif antidjihadiste monté par la France au Sahel. Ceci depuis le départ contraint des militaires tricolores du Mali à l’été 2022.
Sous la pression d’une junte malienne hostile qui a fait appel aux mercenaires russes de Wagner - quoiqu’elle s’en défende, la France a quitté le pays où elle traquait les groupes armés depuis neuf ans pour installer le gros de ses forces au Niger voisin. Les forces spéciales françaises stationnées au Burkina Faso ont également dû en partir l’an dernier, chassées par le régime issu d’un coup d’État en septembre 2022.
Dans ce contexte, le Niger, qui servait essentiellement de base de transit pour les opérations au Mali, accueille désormais le cœur du dispositif militaire français, sur la base aérienne projetée (BAP) de Niamey. Cinq drones Reaper et au moins trois avions de chasse Mirage y sont déployés en permanence.
La France a également renforcé sa présence et détaché des centaines d’hommes dans le sud-ouest du pays, misant ainsi sur la relative stabilité des autorités et l’élection en 2020 de Mohamed Bazoum, un démocrate opposé aux méthodes des milices russes de Wagner et aux putschistes des pays voisins.
« C’est le pire scénario qui pouvait arriver à la France »
Aux yeux de Paris, le coup d’État met désormais en péril ce partenariat, le dernier dit de combat entre la France et un pays africain contre les djihadistes. Ce faisant, la menace irait bien au-delà de la zone ou des seuls enjeux de diplomatie française.
« Le putsch dirigé contre les autorités nigériennes démocratiquement élues avec lesquelles notre pays coopérait pour lutter contre le terrorisme et le trafic d’êtres humains est une menace pour la sécurité de la France mais aussi du continent européen », a ainsi résumé l’eurodéputé Stéphane Séjourné, chef du parti présidentiel Renaissance, sur les réseaux sociaux dimanche.
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« C’est le pire scénario qui pouvait arriver à la France, elle a beaucoup à perdre », insiste de son côté Cyril Payen, grand reporter à France 24, dans les colonnes du Parisien, à l’unisson des spécialistes de la zone. Selon lui, l’Hexagone pourrait laisser filer « l’un de ses derniers partenaires stratégiques et historiques au Sahel dans la lutte contre le djihadisme », si les putschistes mettent fin aux accords bilatéraux.
Une menace qui explique sans doute la réaction rapide du président de la République, et la fermeté de son discours sur les possibles attaques contre les ressortissants ou les intérêts français. Mais cette riposte semble également être imposée par le discours des putschistes, prompts à désigner Paris comme adversaire tout trouvé.
Ressentiment anti-français
Dimanche, plusieurs dizaines de militants pro-junte ont manifesté devant l’ambassade de France à Niamey, avec des slogans « anti-France » et des pancartes appelant au retrait des quelque 1 500 soldats tricolores encore déployés dans le pays. Ce lundi, les militaires nigériens ayant renversé le président élu ont même accusé la France de vouloir « intervenir militairement » pour rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions.
« Dans sa ligne de conduite, allant dans le sens de la recherche des voies et moyens pour intervenir militairement au Niger, la France, avec la complicité de certains Nigériens, a tenu une réunion à l’état-major de la Garde nationale du Niger, pour obtenir des autorisations politiques et militaires nécessaires » afin de rétablir Mohamed Bazoum, affirme un communiqué de la junte diffusé le 31 juillet.
Le scénario de rejet semble donc se répéter après les putschs au Mali et au Burkina Faso, dans une zone marquée par les coups d’État et la montée du ressentiment à l’égard de l’ex-puissance coloniale. En toile de fond, un autre enjeu apparaît - à Niamey comme à Bamako quelques mois plus tôt - avec des drapeaux russes agités ici ou là depuis le coup d’État : celui de l’influence croissante du groupe paramilitaire Wagner, et donc de la Russie, au Sahel.
Pour l’heure, le Kremlin a appelé « toutes les parties » à la « retenue », en prônant « un rétablissement au plus vite de la légalité dans le pays. » « Ce sera aux putschistes de dire qui est derrière eux, qui les soutient, s’il s’agit d’aventure individuelle ou d’autre chose », évacuait de son côté la cheffe de la Diplomatie française Catherine Colonna dimanche soir sur RTL, en insistant sur « l’amitié » qui lie la France et le Niger. Une amitié cruciale, mais plus que jamais bousculée.
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Source: Le HuffPost