Crise au Niger : quelles conséquences pour l’uranium français ?

July 31, 2023
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La France risque-t-elle une pénurie d’approvisionnement d’uranium après les évènements au Niger ? La question se pose ces derniers jours depuis le coup d’État du 26 juillet orchestré par une junte militaire hostile à la présence française dans le pays sahélien. « Le Niger fournit à la France l’uranium indispensable aux centrales nucléaires. D’où le Conseil de défense », a ainsi affirmé la députée EELV Sandrine Rousseau sur le réseau social X (ex-Twitter) ce samedi. Du côté de la majorité présidentielle, le président du groupe Renaissance, Sylvain Maillard, a quant à lui évoqué un « sujet d’inquiétude » sur France info jeudi dernier. « L’uranium fait partie de l’équation, et donc nous regardons ce qui va se passer », a-t-il reconnu.

Le #Niger fournit à la France l’uranium indispensable aux centrales nucléaires.

D’où le conseil de défense.

Rappel : le nucléaire ne permet pas du tout l’indépendance énergétique. — Sandrine Rousseau (@sandrousseau) July 29, 2023

Pour autant, pas de quoi paniquer, assure Teva Meyer, maître de conférences en géographie et spécialiste du nucléaire civil à l’Université de Haute Alsace. « Il n’y a pas de risque » que le nucléaire français soit menacé par la crise, tranche-t-il. Car à la différence des hydrocarbures, on peut constituer des stocks d’uranium. « On peut compter quatre à cinq ans avant de voir des répercussions sur nos centrales », estime le chercheur associé à l’Iris.

15 à 17 % des importations d’uranium en France

Surtout, alors que l’uranium servant à faire fonctionner le parc nucléaire français provient en totalité de l’étranger depuis l’arrêt de son exploitation dans l’Hexagone en 2001, EDF a opéré une grande diversification des fournisseurs. Les chiffres varient fortement d’une année sur l’autre. Mais si on lisse sur la dernière décennie, « 15 à 17 % de l’uranium utilisé en France provient du Niger », avance Teva Meyer. Une part inférieure à celle de pays comme le Kazakhstan ou l’Ouzbékistan. « Il y a eu une bascule vers l’Asie centrale depuis le début des années 2010, les coûts et les normes environnementales y sont moins importants qu’ailleurs », affirme le chercheur.

Si la crise est amenée à durer, la France pourrait par ailleurs se tourner vers des pays comme le Canada ou l’Afrique du Sud pour compenser un manque. Dans ces pays, « des mines ont été mises sous sommeil pendant le Covid », affirme Teva Meyer. Avec la reprise économique et la guerre en Ukraine, qui entraîne un regain d’intérêt pour le nucléaire, le marché de l’uranium repart à la hausse et des mines rouvrent. « Les coûts d’exploitation dans ces pays sont en revanche plus élevés qu’au Niger », avertit le maître de conférences.

S’il n’y a donc pas de risque de rupture d’approvisionnement en uranium du parc nucléaire français, l’enjeu le plus important tourne autour de la survie de la société Orano (ex-Areva) au Niger. « C’est une part importante de son portefeuille », précise Teva Meyer. L’entreprise exploite actuellement la mine de Somaïr dans le nord du pays, dont une partie de production est utilisée par EDF et une autre est vendue en Suède, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Un second gisement, celui d’Imouraren, dont les réserves sont estimées à environ 200 000 tonnes, fait actuellement l’objet d’études en vue d’une exploitation prochaine.

Un hypothétique départ de la France et de ses activités dans son ancienne colonie pourrait faire des heureux du côté de Pékin, selon le chercheur associé à l’Iris : « On parle beaucoup de la Russie mais c’est la Chine qui pourrait profiter du départ de la France. » La Russie ne possède en effet aucune mine dans le pays, contrairement à son voisin qui avait obtenu dès 2007 l’exploitation d’un gisement.

Source: Le Parisien