"Il ne laisse rien rien au hasard": les secrets de Squeezie, l’influenceur aux concepts en or
CES INFLUENCEURS À LA TÊTE D’UN PETIT EMPIRE (2/6) - BD, singles et prêt-à-porter: le premier youtubeur de France transforme tout ce qu’il touche en succès commercial.
Stars des réseaux sociaux ou de YouTube, leur influence a dépassé le premier cercle de leur communauté de fans. Notoriété et exposition médiatique leur ont permis de bâtir de véritables petits empires et de signer des contrats mirifiques avec de grandes marques.
Orelsan, Rihanna ou Lady Gaga. Les documentaires dédiés aux artistes pullulent sur les plateformes de streaming vidéo. Pourtant, ce n’est ni le rappeur français ni les chanteuses de pop qui ont enflammé la toile en juin dernier. Mais Lucas Hauchard, 27 ans, plus connu sous le nom de Squeezie. L’annonce vient d’un simple tweet, signé Amazon Prime: «On développe aussi une nouvelle série documentaire sur Squeezie.» Une énième consécration pour le vidéaste, qui confirme son statut de youtubeur numéro un en France, adulé par toute une génération. Les chiffres donnent le tournis. Millionnaire à seulement 19 ans. Plus de 18 millions d’abonnés sur sa chaîne principale, tous impatients de découvrir chaque semaine ses deux nouvelles vidéos. Entre 20.000 et 45.000 fans assistent à son live du jeudi, sur la plateforme Twitch.
«C’est simple, tout ce que touche Squeezie se transforme en or», plaisante Raoul Leibel, directeur de Webedia Livestream, interrogé par Le Figaro. Le circuit Bugatti du Mans peut en témoigner. L’an dernier, le jeune homme organise sur ce mythique tour le GP explorer, une course automobile de F4 qui a réuni 22 célébrités du streaming français. Près de 40.000 spectateurs se sont amassés dans les tribunes et plus de 1 million de téléspectateurs ont suivi, en direct, l’événement sur Twitch. Un record d’audience qui permet à Squeezie de devenir le premier streamer français, avec plus de 4 millions de followers. Une preuve que le temps des vidéos gaming dans sa chambre est révolu. Celui qui a commencé à créer des contenus à l’âge de 13 ans publie des vidéos de plus en plus élaborées, ce qui l’oblige à inclure «une part de business». Après son divorce avec Webedia, qui jouait le rôle d’agent et de régie publicitaire, il monte Bump, une société de production (14 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021) qui manage de gros noms de la plateforme comme McFly et Carlito, Gotaga ou Dr Nozman. «À la base, je ne voulais pas faire une agence, je voulais juste la tranquillité et l’indépendance», précise-t-il au Monde.
Précurseur de tendances
Pour Brice N’Guessan, associé chez Link Digital Spirit, son éditeur, «Squeezie ne laisse rien au hasard». Quel que soit le projet, il fonce, investit, produit, sachant combien ce milieu peut laisser de côté ceux qui n’ont pas su s’adapter ou qui ont fini par s’endormir sur un matelas d’abonnés, disparu aussi vite qu’il avait gonflé. «C’est un précurseur. Il a été l’un des premiers à vouloir diversifier ses activités pour ne plus dépendre seulement de la monétisation de YouTube», abonde Nisrine Boussarhane, consultante influence pour l’agence Otta.
En plus de sa casquette de vidéaste, Squeezie est aujourd’hui à la tête d’un petit empire du divertissement, à seulement 27 ans. «Lucas touche à tout», confie Kronomuzik, son ami également créateur de contenu, dans une interview au Figaro en février. «Ce qu’il préfère, c’est créer du contenu, quelle que soit la forme.» À travers des vidéos, donc, mais aussi des courts-métrages, deux bandes dessinées, un album et une dizaine de singles signés chez Balai steak, son label créé en 2015. Lors d’un challenge intitulé «Qui fera le meilleur hit des années 2000?», il met au défi d’autres vidéastes de créer en trois jours une chanson ressemblant à celles du début de ce millénaire. 48 heures après sa sortie, Time Time, le morceau de Squeezie, Kronomuzik et Myd, se place à la première place des écoutes en France sur Spotify et Deezer. L’engouement dépasse les frontières, si bien que le single se hisse à la quatrième place du classement en Roumanie. De quoi attirer l’attention d’autres vidéastes. «Depuis le phénomène Squeezie, de plus en plus de créateurs de contenu se sont mis à la musique et ont été diffusés à la radio», pointe Morgan Serrano, directeur des programmes de NRJ. C’est par exemple le cas de Michou ou de Mister V.
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En 2021, il délaisse le micro pour la plume et publie Bleak, sa bande dessinée inspirée des séries de vidéo les plus populaires de sa chaîne, les «thread horreur». Il accompagne le lancement de plusieurs vidéos, de goodies et même d’un court-métrage dédié. Bref, un plan marketing bien rodé. L’opération est un carton éditorial: «Le premier volume a été réimprimé trois fois. Il avoisine les 200.000 exemplaires vendus», se félicite Brice N’Guessan. Pour le monde de la bande dessinée, c’est un raz-de-marée. Rares sont les grands succès en dehors de séries bien installées comme Astérix ou Blake et Mortimer. Le deuxième volume, sorti en mai, devrait connaître le même destin. «Les ventes tournent autour des 80.000 exemplaires en trois mois», chiffre son éditeur. Un troisième et dernier tome est en préparation. Hors divertissement, Lucas Hauchard a lancé avec son frère le site de prêt-à-porter Yoko. Le lancement de cette marque en 2019 a, encore une fois, été une réussite. Sans que le chiffre d’affaires de la société ne soit connu, plusieurs acheteurs se plaignent régulièrement de ruptures de stock. Squeezie, un serial entrepreneur à succès, c’est bon pour vous?
Source: Le Figaro