A Jazz in Marciac, Thomas Dutronc, champion de l’hypocoristique
Thomas Dutronc à Marciac (Gers), le 31 juillet 2023. LAURENT SABATHE
Double concert à Marciac (Gers), le lundi 31 juillet : Florin Niculescu, violon, et son Gipsy All Stars. Puis le trio de guitares composé de Thomas Dutronc, Rocky Gresset et Stochelo Rosenberg. Dutronc vient d’inviter un solide compagnon, le contrebassiste Thomas Bramerie, à rejoindre le groupe. Quatre, pour un trio, c’est plus prudent.
Avec ses titres faussement badins, ses paroles à la Prévert, ses Petits Riens, ses P’tits bonheurs, son J’aime plus Paris, Thomas Dutronc pourrait bien être le champion de l’hypocoristique. Pas de panique : l’hypocoristique est tout bêtement cette façon d’utiliser un diminutif ou un adjectif dans une attention affectueuse.
Pour peu qu’il chante une fleur, Thomas Dutronc la choisit « petite ». Soit dit en passant, sa version de la petite chanson de Sidney Bechet, Petite Fleur (paroles d’Henri Salvador), est la plus délicate, la plus exacte. Murmurée ou fredonnée, lèvres entrouvertes, maîtrise du micro (tout son père !).
Clown distancié
Thomas Dutronc chante, parle, présente, fait le clown distancié, part belle à ses partenaires. Il sait où il en est. Il ne triche pas. Il sait s’entourer. Il aime faire la route avec les autres, et au resto des artistes et techniciens, c’est lui qui met l’ambiance. Il tient le chapiteau aux 5 000 spectateurs, comme un bistro des Puces…
Il ne se prend pas pour le fils de Django. Il sait de qui il est le fils. Il sait que Stochelo Rosenberg et Rocky Grasset sont des pointures incontestées. Lui, il a fait le métier modestement, pendant des années, au deuxième ou troisième rang des groupes de Biréli Lagrène. Il est déjà venu ici, à Marciac, plusieurs fois.
Pas plus que Jean-Louis Guilhaumon, directeur de Jazz In Marciac, Dutronc ne s’égare : il laisse les chorus (les impros) à Stochelo, Rocky Gresset et à l’autre Thomas, Bramerie. Lesquels s’exécutent à la perfection. Lui, il s’en offre deux, plus que sérieux, et prend un vif plaisir à jouer.
Le jazz manouche se signale par son accent, son esprit. Accompagner (« faire la pompe ») n’est pas moins exigeant qu’improviser à deux mille à l’heure. On pourrait parler des arrangements qui n’ont l’air de rien, de la distribution des rôles, des rimes ou assonances qui semblent jaillir en riant (L’Horoscope, Miro Tata Mimer). Tout a l’air si facile.
Un sens du point exquis
Ce serait injuste pour Florin Niculescu. Né à Budapest dans une famille rom (1967), il a l’élégance, pour un concert dédié à Stéphane Grappelli, d’inviter le guitariste britannique Martin Taylor, biberonné dès l’âge de 4 ans par un père fou de Django (dans l’Essex) ; Martin Taylor, longtemps accompagnateur de l’illustre Grappelli. Le Django est une langue universelle : une espèce d’espéranto très fragile, très complexe, sous ses petits airs d’avoir les mains dans les poches.
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Source: Le Monde