Etats-Unis : six questions sur l'inculpation de Donald Trump pour "complot à l'encontre de l'Etat américain"

August 02, 2023
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Inculpé mardi pour ses tentatives d'inverser le résultat de l'élection présidentielle de 2020, le milliardaire, candidat à l'élection de 2024, pourrait se voir obligé de comparaître devant un tribunal en pleine campagne électorale.

C'est un fait sans précédent pour un ancien chef d'Etat américain. Donald Trump a été inculpé, dans la soirée du mardi 1er août, pour ses tentatives d'inverser le résultat de l'élection présidentielle de 2020. Franceinfo apporte des éléments de réponse aux questions qui se posent après cette troisième mise en accusation retentissante de l'ex-président, grand favori des primaires républicaines, en lice pour la prochaine élection présidentielle en 2024.

1 De quoi est-il accusé ?

A la suite de l'enquête supervisée par le procureur spécial Jack Smith, l'ancien président Donald Trump a été inculpé de quatre chefs d'accusation : "complot à l'encontre de l'Etat américain", "atteinte aux droits électoraux", ainsi que "complot" et "entrave à une procédure officielle". "Malgré sa défaite, le prévenu était déterminé à rester au pouvoir. Par conséquent, durant plus de deux mois après le scrutin du 3 novembre 2020, le prévenu a diffusé des mensonges selon lesquels il y avait eu des fraudes ayant modifié le résultat et qu'il avait en fait gagné", détaille l'acte de mise en accusation, que l'AFP s'est procuré et que plusieurs médias américains ont publié, dont le New York Times. "Ces allégations étaient fausses et le prévenu savait qu'elles étaient fausses", peut-on y lire. "Mais le prévenu les a répétées et les a largement diffusées malgré tout", selon le document, qui affirme que Donald Trump a lancé "son projet criminel" quelques jours après le scrutin.

Ce projet a conduit à l'attaque du Capitole, le 6 janvier 2021, après des semaines de désinformation, estime Jack Smith. "C'était un assaut sans précédent contre le siège de la démocratie américaine", a déclaré le procureur spécial, l'air sévère. Il s'est exprimé mardi lors d'une très brève allocution à Washington, sans répondre à aucune question. L'attaque du Capitole "a été encouragée par des mensonges. Des mensonges de l'accusé destinés à entraver une fonction essentielle de l'Etat américain : le processus par lequel la nation collecte, compte et certifie les résultats de l'élection présidentielle", a-t-il asséné.

2 Est-il le seul à être accusé dans cette procédure ?

Non. En plus de Donald Trump, l'acte de mise en accusation mentionne six autres personnes, désignées comme "co-conspirateurs", sans pour autant les inculper ou révéler leurs noms pour l'instant. Selon les procureurs, il s'agit de six personnes qui ont travaillé avec l'ancien président américain pour tenter d'annuler l'élection de 2020. "Ils correspondent aux profils d'une équipe d'avocats et de conseillers vers lesquels Donald Trump s'est tourné après sa campagne électorale", précise le New York Times. Le quotidien américain s'interroge sur la raison pour laquelle ces "co-conspirateurs" ne sont pas inculpés pour l'instant, mais estime qu'ils pourraient l'être "dans les semaines à venir".

Le New York Times, tout comme Politico, suppose qu'il s'agit de six personnes "au cœur de l'enquête", dont l'ancien maire de New York Rudy Giuliani, devenu avocat et qui a tenté d'inverser les résultats de l'élection présidentielle de 2020. Ou encore Sidney Powell, l'avocate qui a propagé la théorie selon laquelle des pays étrangers avaient piraté les machines à voter en faveur de Joe Biden.

3 Quand sera-t-il jugé et quelle peine risque-t-il ?

Le procureur spécial Jack Smith a déclaré, mardi, qu'il voulait un "procès sans délai". Une première comparution préliminaire a été fixée à jeudi, devant un tribunal fédéral de la capitale, selon l'AFP. Cependant, aucune date précise n'a été annoncée. Cette procédure n'en est qu'au stade des motifs d'inculpation prononcés à l'encontre de Donald Trump. L'ancien président doit d'ores et déjà comparaître dans le cadre de deux procès, prévus au début et au milieu de l'année 2024.

Il est d'ailleurs difficile de savoir quelle peine il encourt précisément. "L'inculpation de 'complot à l'encontre de l'Etat américain' est rare, mais pas inconnue. Parfois appelée 'complot de Klein', après une affaire de la Cour suprême de 1957, c'est une accusation qui apparaît souvent dans les poursuites fiscales, mais aussi dans des affaires qui nécessitent un effort complexe et de grande envergure pour faire échouer des opérations d'agences fédérales", précise Politico.

4 Comment a-t-il réagi ?

Dès le 18 juillet, Donald Trump a annoncé avoir reçu une lettre du procureur Jack Smith l'informant qu'il était visé personnellement par l'enquête fédérale sur les tentatives d'inverser les résultats de la présidentielle de 2020, et notamment l'assaut contre le Capitole. Il avait alors dénoncé une "chasse aux sorcières", une nouvelle "interférence électorale" et une "instrumentalisation politique" de la justice pour l'empêcher d'être candidat. Donald Trump continue d'affirmer, sans aucune preuve, que l'élection de 2020 lui a été "volée".

Mardi après-midi, peu avant l'annonce, Donald Trump s'est exprimé sur sa plateforme Truth Social. Il a accusé le procureur spécial de vouloir entraver sa campagne pour 2024 et l'a traité de "cinglé". "Pourquoi ne l'ont-ils pas fait il y a deux ans et demi ? Pourquoi ont-ils attendu si longtemps ? Parce qu'ils voulaient que ça arrive en plein dans ma campagne", a-t-il lancé.

5 Est-ce que cette inculpation peut changer sa campagne pour l'élection présidentielle de 2024 ?

Vendredi, Donald Trump avait affirmé que même une condamnation ne lui ferait pas arrêter sa campagne, mais il est encore trop tôt pour évaluer précisément les conséquences de cette dernière inculpation sur sa candidature à la Maison Blanche. On peut constater que le tempétueux homme politique conserve malgré tout la loyauté de la majorité de son parti : il domine les sondages pour l'investiture républicaine et creuse même l'écart avec son poursuivant, le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, qui cumule les faux pas depuis le début de sa campagne. En effet, selon un sondage publié lundi par le New York Times, l'ex-président devance désormais son rival de 37 points.

Par ailleurs, si Donald Trump est condamné dans une ou plusieurs affaires, il pourra faire appel, ce qui retarderait toute condamnation et pourrait lui permettre de ne pas être incarcéré le jour de l'investiture.

6 Quelles autres accusations pèsent sur lui ?

Depuis 2021, de multiples enquêtes sont menées sur les activités commerciales et politiques de Donald Trump. Au niveau pénal, l'ancien président des Etats-Unis est impliqué dans quatre affaires, résumées ici par le New York Times. Il y a d'abord "l'affaire de Manhattan", liée à des paiements suspects, versés lors de la campagne présidentielle de 2016 à une actrice de films X, Stormy Daniels, pour qu'elle taise une éventuelle liaison survenue en 2006. Dans cette affaire, la justice de l'Etat de New York a inculpé le milliardaire pour fraudes comptables, en avril.

Puis il y a "l'affaire des documents classifiés", dans laquelle on reproche à Donald Trump d'avoir emporté des boîtes entières de documents en quittant la Maison Blanche, de les conserver dans sa luxueuse résidence Mar-a-Lago, en Floride, et d'avoir refusé de les remettre aux archives nationales. Donald Trump est visé pour 32 chefs d'accusation, en lien avec la "rétention d'informations relevant de la défense nationale". Il a plaidé non-coupable en juin, mais les procureurs fédéraux ont alourdi, jeudi, les charges à son encontre dans ce dossier. Son procès est prévu à partir du 20 mai 2024, en pleine campagne des primaires.

Les inculpations pour ses tentatives d'inverser le résultat de l'élection présidentielle de 2020 et "complot à l'encontre de l'Etat américain" constituent donc une troisième mise en accusation retentissante au pénal. Il s'agit des charges les plus sérieuses à être portées contre l'ex-chef de l'Etat. Mais les ennuis risquent de ne pas s'arrêter là pour Donald Trump, impliqué dans une quatrième affaire. Une procureure de l'Etat de Géorgie doit annoncer, d'ici fin août, le résultat de son enquête sur les pressions qu'il a exercées pour tenter d'altérer le résultat de la présidentielle de 2020 dans cet Etat du Sud.

Source: franceinfo