Pour son anniversaire, la Nupes s’offre une réunion " franche ", " rude " mais " sincère "
La Nupes a 1 an, mais pas toutes ses dents. Vous nous direz : « A seulement 1 an, quoi de plus normal ? ». Et c’est vrai. A cet âge, les dents poussent encore, et comme chacun le sait, c’est douloureux. Les membres de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale ont d’ailleurs largement pu le constater mardi soir. Ce 2 mai, les chefs et cheffes des cinq partis (LFI, PS, EELV, PCF et Générations) se sont réunis dans un restaurant près de la gare de l’Est.
Pour certains, le rendez-vous n’était rien d’autre que la réunion quasi-hebdomadaire habituelle des partis de la Nupes. C’était sans compter sur Jean-Luc Mélenchon – pas parmi les convives –, lequel en a fait un enjeu, parlant d’une « réunion au sommet » pour aller de l’avant sur le fameux « acte II » de l’union de la gauche. Une manière, au minimum, de mettre la pression sur les alliés, tant on s’agace chez LFI de voir l’approfondissement de l’alliance mettre autant de temps à se concrétiser.
Boulet, camisole, échec
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça n’a pas marché. D’après les informations de 20 Minutes, qui a pu s’entretenir avec sept des dix-huit personnes présentes autour de la table mardi soir, les discussions ont « été très animées, pour le moins » ; « franches, sincères », dixit Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV. Seuls les convives communistes n’ont pas répondu à nos appels, et ça a son importance : « Quand Fabien Roussel a dit, dès sa première intervention, que la Nupes était un boulet, une camisole et un échec, ça a tout de suite posé les choses », décrit une participante. Les communistes ont visiblement bloqué sur tout ou presque, même l’idée d’une candidature commune à la présidentielle de 2027.
Autour de la table, le ton a surpris : jamais la remise en cause de la Nupes n’avait semble-t-il été aussi forte : « On s’est tous un peu regardé en se demandant ce qu’ils faisaient encore là. » Le tabou de l’éventuel départ d’un membre de la Nupes n’est pas levé, mais cette possibilité est désormais dans toutes les têtes. « A un moment donné, il va y avoir un principe de réalité », estime un insoumis.
Jusqu’à présent, cette formule était employée pour dire que la situation politique imposait l’union à toutes et tous. Désormais, elle l’est pour dire qu’à un moment, de fait, les communistes seront peut-être hors de l’alliance. Côté PCF, justement, on relativise auprès de nos confrères de Libération : « La Nupes est autant une perspective si nous gagnons qu’un boulet si nous n’y arrivons pas. »
Papi grincheux
Mais d’après plusieurs participants, la soirée ne s’est pas résumée à un « quatre contre un ». « C’est caricatural », élude l’un. « Cela serait une erreur de le voir comme ça », nous dit un insoumis. Car l’autre grand sujet de discorde du soir, c’était la question de la stratégie en vue des européennes de 2024. LFI veut une liste unique de la Nupes, pas EELV. Marine Tondelier a défendu sa stratégie autonomiste : « Elle l’a redit de manière très très très clair », décrit une participante. Une autre : « Elle a poussé le curseur très loin. » Côté écolo, on insiste pour dire qu’une coalition n’est pas un mariage dans lequel on est d’accord sur tout, et on insiste sur « l’énorme compromis » fait en acceptant le principe d’un candidat unique en 2027, et pas forcément écolo.
Agacés, les insoumis n’épargnent pas Marine Tondelier et EELV. Mais ils prennent soin de ne pas les mettre dans le même sac que les communistes. « Le PCF est sur une position qui lui est propre, c’est-à-dire d’accord sur rien au-delà du soutien au mouvement social. Les écologistes sont d’accord sur un certain nombre de choses, mais pas les européennes », distingue un membre de LFI. « Ça nous arrange que Fabien Roussel ait le rôle du papi grincheux, ce qui permet aux autres de ne pas aller en frontal face à Jean-Luc Mélenchon », reconnaissait il y a plusieurs semaines un socialiste présent mardi soir. En clair : aux yeux des insoumis, tant que les communistes sont horribles, si les socialistes et les écologistes sont juste chiants, passe encore.
« Y’a du boulot »
Mais cela fonctionne jusqu’à un certain point. Si bien que du côté PS, EELV et Générations, on relativise à fond les évènements de mardi soir. D’abord, chacun rappelle que l’union est toujours une très forte demande de l’électorat de gauche : « On travaille activement à un chemin d’espoir et de victoires », assure Marine Tondelier. Puis chacun rappelle le contexte : « Le mouvement social actuel nous oblige à être un débouché politique à toute cette colère », juge la présidente des jeunes socialistes, Emma Rafowicz, présente à la réunion. Et chacun redit que sans alternative de gauche, l’autre alternative à l’actuel pouvoir, c’est l’extrême droite. Cette menace a souvent été un puissant vecteur d’union de la gauche.
« Cette réunion, c’était un point d’étape, minimise Emma Rafowicz. On en fait des caisses parce que Jean-Luc Mélenchon en a parlé, mais on était quand même globalement au courant des potentielles divergences. » Décidément très optimiste, la cheffe des jeunes socialistes a trouvé « rassurant » le fait que le ton des débats soit « franc, voire rude ». Car « quand il y a de la langue de bois, c’est qu’on n’est pas entre amis. C’est bon signe que ce soit dur. Ce n’est pas simple, mais positif. » Le toujours très zen et très pro union Arash Saeidi, co-coordinateur de Génération, a « vu venir » les difficultés : « Il y a du boulot mais on a du temps. Nous ne sommes pas en mai 2022, où l’on était dans l’urgence. Ce n’est pas grave de ne pas avoir pondu un acte II au bout de trois heures ! » « On a trois ans ! », abonde une autre.
Au fond, rien de ce qui a été dit mardi soir n’est très nouveau. Pourtant, au lendemain, on a pu sentir certains insoumis un peu plus atteints que d’habitude, comme s’ils avaient pris un coup derrière la tête. En tout cas, ils semblaient surpris par la tournure d’une réunion « frustrante ». Un aveu de faiblesse qui ne leur ressemble pas vraiment.
Ont-ils entendu leurs alliés ? Ou la manière qu’ils ont eue de faire le récit de cette réunion participe-t-elle à la dramatisation de la situation, soit une nouvelle façon de mettre la pression sur les partenaires pour maintenir l’alliance ? Une chose est sûre, tous ont convenu de continuer à se parler et se revoir : l’union est un travail de longue haleine, et un sport de combat.
Source: 20 Minutes