En Allemagne, l’angoisse monte face à la vague d’investissements industriels aux Etats-Unis et en Chine
Vue aérienne du futur site de l’usine de batteries de Volkswagen à Saint Thomas, dans l’Ontario au Canada, le 21 avril 2023. CARLOS OSORIO / REUTERS
C’est un homme de 33 ans à l’allure décontractée : visage juvénile, barbe de trois jours et lunettes rondes. Ces dernières années, il est souvent apparu dans la presse comme l’un de ceux qui incarnent l’arrivée rassurante d’une nouvelle génération à la tête des entreprises familiales allemandes. Max Viessmann, depuis 2021 seul patron du groupe du même nom fondé en 1917, leader allemand de la pompe à chaleur, était un de ceux qui promettaient la continuité au sein du Mittelstand, ce tissu d’industries de tailles moyennes exportatrices, réputé pour être la colonne vertébrale du made in Germany.
Jusqu’au 25 avril, jour où l’héritier a provoqué un choc dans toute l’Allemagne. En annonçant la vente de la plus grande partie de son entreprise, dont les pompes à chaleur, pour 12 milliards d’euros, à son concurrent américain Carrier Global, il a déclenché une vague d’angoisse outre-Rhin face au spectre de la désindustrialisation du pays, au profit des Etats-Unis et de la Chine, ou de la zone Asie-Pacifique. Le thème, qui dominait les débats d’experts depuis un an, s’est invité dans les talk-shows et les grands débats politiques. Le parti chrétien-démocrate accuse ainsi les écologistes aux manettes du ministère de l’économie de mener une politique d’interdiction de certaines technologies (nucléaire, chaudières à gaz ou au fioul), au détriment du site industriel.
Peu importe que Max Viessmann s’efforce partout d’expliquer le bien-fondé de son initiative. Il répète que les emplois et les sites de production allemands sont garantis pour plusieurs années. Viessmann est désormais un des premiers actionnaires de Carrier Global, pourtant cinq fois plus gros que lui, explique-t-il encore. C’est une occasion unique pour le groupe d’atteindre une taille critique – en capacité de production et en distribution – lui permettant de répondre à l’explosion à venir de la demande mondiale de pompes à chaleur, face à la concurrence asiatique. A tort ou à raison, l’impression demeure pourtant outre-Rhin que le pays est désormais obligé de vendre ses fleurons industriels ou d’investir ailleurs, s’il ne veut pas décrocher.
Une tendance à la démondialisation
La panique se nourrit de plusieurs évolutions, indéniablement négatives pour le modèle traditionnel allemand. Avec la fin du gaz russe, l’Allemagne a perdu une source d’énergie bon marché, qui permettait à son industrie la plus consommatrice d’être compétitive mondialement. Les prix de l’électricité, déjà hauts avant la crise, vont rester durablement élevés. Dans ce contexte, le programme américain de subventions massives aux technologies décarbonées (Inflation Reduction Act) est arrivé à point nommé pour faire basculer quelques industriels emblématiques.
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Source: Le Monde