La polémique autour de Catherine Corsini bouscule le cinéma français

April 24, 2023
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Catherine Corsini au 75ᵉ Festival de Cannes (Alpes-Maritimes), le 17 mai 2022. JP PARIENTE/JM HAEDRICH/SIPA

Le Retour est de retour dans la sélection cannoise. Le douzième long-métrage de Catherine Corsini – son troisième au Festival de Cannes –, qui devait initialement figurer dans la programmation, dévoilée jeudi 13 avril, avait été finalement laissé de côté, à la suite de la dénonciation d’irrégularités et de faits de harcèlement sur le tournage. Ira, ira pas ? Après enquête, l’équipe de Thierry Frémaux a décidé, lundi 24 avril, qu’il serait bien en compétition. C’est le premier coup de théâtre d’une 76e édition qui n’a pas même démarré, et il en a tous les charmes : le suspense, le mode opératoire – un corbeau – et les dommages collatéraux…

Tout commence le mercredi 12 avril, tard le soir, par un coup de fil de Thierry Frémaux à la réalisatrice. Elle sera en compétition, lui annonce le directeur du Festival, qui doit dévoiler la sélection le lendemain. Champagne ! Nouvel appel le lendemain matin : désolé, le conseil d’administration a décidé de suspendre sa décision.

Depuis la fin du tournage – qui s’est déroulé à l’automne 2022 en Corse du côté de L’Ile-Rousse et du village de Castifao, d’où vient la famille de Catherine Corsini –, les institutions, les organismes de régulation et les directions de festival reçoivent des lettres anonymes où sont dénoncés pêle-mêle l’autoritarisme agressif de la réalisatrice, les méthodes de travail – on sait que certains techniciens ont quitté l’aventure en cours de route – et des manquements en tout genre à la règle…

Enfin, le ou les corbeaux rapportent des gestes déplacés de la part de deux membres de l’équipe sur les jeunes actrices, mineures au moment des faits. Un harnais passé par un cascadeur a-t-il été l’occasion d’une main sur une fesse ? Une comédienne pressentie a-t-elle finalement été renvoyée parce qu’elle ne faisait pas l’affaire ou parce qu’elle avait dénoncé le coach qui la serrait de trop près ? Un signalement a été fait auprès du procureur de la République et une enquête diligentée par le Comité central d’hygiène et de sécurité des conditions de travail de la production cinématographique… Mais, en définitive, personne n’a porté plainte.

Scène de masturbation

Reste un dossier tangible : le film met en scène des mineures de moins de 15 ans. Dans ce cas-là, pour qu’une autorisation administrative de tournage soit délivrée par le préfet, le scénario doit être validé par la commission des Enfants du spectacle. Or une des scènes tournées n’était pas présente dans le scénario original. Une scène de masturbation.

Même si celle-ci est filmée sur le haut du corps, même si elle n’a pas été conservée au montage, même si l’actrice, Esther Gohourou (Mignonnes, 2020), ne s’en est, semble-t-il, jamais plainte, cette erreur « malencontreuse et non intentionnelle », selon la production, n’en demeure pas moins une infraction à la loi. Ce fait ayant été porté à la connaissance du Centre national du cinéma et de l’image animée, celui-ci – dont le président, Dominique Boutonnat, est lui-même poursuivi pour agression sexuelle envers son filleul – a suivi stricto sensu la procédure, retirant la subvention accordée de 580 000 euros, tout en précisant qu’il laisserait à la production la somme minimale pour payer les personnes ayant travaillé sur le film.

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Source: Le Monde