" A travers l’accélérateur de la Grande Muraille verte, c’est bien une forme de néocolonialisme vert qui émerge "

May 06, 2023
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En janvier 2021, l’accélérateur de la Grande Muraille verte (GMV) était annoncé par Emmanuel Macron en marge du 3e One Planet Summit. Cette plate-forme vise à accélérer la mise en œuvre de ce projet [une ceinture végétale qui doit relier Dakar à Djibouti], en harmonisant les « efforts des partenaires financeurs ». Cependant, en voulant accélérer la GMV, et dicter aux Etats sahéliens et à leurs populations sa propre temporalité politique, le président français risque de mettre un terme à cette initiative.

Projet panafricain pensé par onze Etats sahéliens à partir de 2005 [Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria, Tchad, Soudan, Erythrée, Ethiopie et Djibouti], la GMV se développe autour d’un double objectif : lutter contre la désertification et développer les ressources des populations locales. Dès son origine, elle a été construite comme un projet mis en œuvre localement par une démarche participative impliquant les populations.

Cette organisation laisse une grande liberté à chaque Etat pour la réalisation de sa portion de GMV, permettant d’adapter ce projet panafricain à la contingence des situations, à l’instar des conflits armés affectant certaines zones. C’est pourquoi la GMV est, et doit être, pensée sur un temps long.

Au Sénégal, depuis 2008, 57 000 hectares ont été reboisés, plus de 1 500 kilomètres de pare-feu ont été installés, douze jardins polyvalents – permettant l’agriculture et la création de revenus – ont été implantés, même si certains sont actuellement à l’arrêt. Sans parler trivialement de réussite ou d’échec, la GMV a donc donné lieu à des résultats tangibles en faveur de la restauration écologique et de l’amélioration des conditions d’existence des populations.

Trois milliards de dollars supplémentaires

En janvier 2021, lors du forum de l’investissement de la GMV, organisé par le président français et le prince de Galles (depuis devenu Charles III), Emmanuel Macron annonce une nouvelle initiative : l’accélérateur de la GMV.

Faisant le constat du savoir (« On sait maintenant ce qui ne marche pas » [sic]), il souhaite « accélérer le mouvement » grâce à une levée de fonds de 14 milliards de dollars (environ 12,70 milliards d’euros). Une somme démesurée pour des objectifs qui le sont tout autant puisqu’il s’agit, d’ici à 2030, de :

– restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées ;

– séquestrer 250 millions de tonnes de carbone ;

– créer dix millions d’emplois.

Il conclut ainsi : « Moi je veux croire que nous sommes en train de changer les conditions de succès de cette Grande Muraille verte (…). Si nous arrivons à être au rendez-vous des résultats que nous nous sommes fixés, c’est véritablement l’avenir des onze pays et du continent africain que nous pouvons changer. »

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Source: Le Monde