À Trafalgar Square, Charles III et Camilla mettent (presque) tout le monde d'accord
REPORTAGE - Plusieurs milliers de personnes étaient rassemblées pour soutenir le souverain... ou réclamer une République. Le tout dans une ambiance festive.
De notre envoyé spécial à Londres
À découvrir EN DIRECT - Revivez le couronnement du roi Charles III
Même le temps était britannique. La pluie, grasse, frappait les visages, sans décourager les cœurs de s'écrier : «Dieu sauve le roi», au passage de Charles III sur la place de Trafalgar, ce samedi à l'occasion de son couronnement. Nombreux étaient ceux qui, venus de loin et levés tôt, attendaient impatiemment leur souverain. Comme Paul, de Leeds dans le Yorkshire, pour qui «le roi est une partie de notre culture et c'est une joie de participer à cet évènement mondial du couronnement». «Et puis ..., nous n'en aurons pas un nouveau avant plusieurs années», sourit-il en grattant le jabot de chemise, sous sa veste aux couleurs de l'Union Jack. Mary, de Rochester, est partie à 4h du matin. Las, les embouteillages et le monde auront eu raison de son emplacement. Elle ne sera pas sur le Mall devant les écrans géants, mais à Trafalgar Square.
Paul de Leeds. Amaury Coutansais-Pervinquière / Le Figaro.
Tous, cependant, ne veulent pas «profiter du couronnement». Graham Smith, président de Republic, et cinq républicains ont été arrêtés par les bobbies, les policiers britanniques, aux premières heures du jour. Habillés en jaunes, ils étaient tout de même nombreux à crier : «Not my King». Leurs mots d'ordre : «Abolir la monarchie», «Personne ne doit régner sur nous», «Citoyens, pas sujets». Bryan a accompagné sa mère depuis le Kent, le berceau des rois d'Angleterre, pour manifester contre le couronnement et Charles III, «une institution qui n'a plus sa place à notre époque». «Cette cérémonie, enfin ... cette comédie, coûte très cher. L'État devrait plutôt aider les plus pauvres», certifie-t-il, juché sur une chaise, d'où, bien que républicain, il a une bien meilleure vue sur le cortège que nombres royalistes.
Martin, «londonien et fier républicain», partage l'opinion de Bryan : «La monarchie représente les privilèges, l'inégalité, l'influence non élue», énumère-t-il. Pour lui, «les monarques ne devraient pas exister, et ils devraient habiter dans un cottage et travailler comme tout le monde». «Dieu sauve le roi», lui répond, un homme en veste de tweed et au visage couperosé, bien que l'heure ne soit pas avancée. Les républicains, au passage du carrosse royal, ont crié leurs slogans, bien vite recouverts pas les vivats d'une foule, mouillée certes, mais enthousiaste.
Une républicaine à Trafalgar Sqaure Amaury Coutansais-Pervinquière / Le Figaro.
Les premières notes de musiques, crachées par les haut-parleurs, ont fait taire toutes les protestations, mais aussi vidé une partie de la place. La vue de Charles III et la pluie ont travaillé de concert pour cette évacuation. Durant toute la cérémonie, la bruine, incessante s'est infiltrée partout. Une météo qui n'a pas découragé Julien, Jean-Baptiste et Coralie de venir depuis la Belgique. «C'est une continuité monarchique, qui existe depuis mille ans», avance l'un. «C'est aussi un hommage à Elisabeth II, décédé l'an passé», souligne l'autre. «La monarchie belge est un peu la petite sœur de la Britannique, elle est moins ... bling-bling», assure Jean-Baptiste. «Nous sommes cousins de monarchies», sourit Coralie, habillée comme Elisabeth II, en robe bleue avec un gros collier de perles sous sa chevelure cuivrée, et ses taches de son qui lui donne un faux air britannique.
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«God save the King, Long Live the King», interrompt le haut-parleur, signifiant que Charles III a été oint et couronné, il est désormais sacré. Ces quelques mots déchaînent les cris en hommage au souverain, et l'hymne britannique est entonné. «C'est aussi un peu sacré notre monarchie», sourit Rizwan, pakistanais d'origine, qui se reconnaît parfaitement dans son souverain qui incarne «la tradition du Royaume-Uni et son futur». Une tradition, presque aussi célèbre que les bonnets à poils des grenadiers du roi, qui défilent après la cérémonie. Puis viennent, les Horse-Guards qui escortent le carrosse qui quitte l'abbaye pour descendre l'avenue du Mall vers Buckingham.
À son passage, sous les volées de cloches, le roi salue ses sujets, qui lui répondent par des vidéos de smartphones et des hourras. «Longue vie au roi», lui lance un garçonnet roux, monté sur un lampadaire en agitant vigoureusement son drapeau au centre duquel Charles III est représenté. Il n'en descendra que pour aller sur le Mall vers le palais où les souverains salueront leurs sujets depuis le balcon.
Les Red Arrows. POOL / REUTERS
Avenue du Mall, les bobbies, non-armés et en grande tenue, encadrent un défilé très bon enfant. Les vivats remontent l'avenue, dont les lampadaires sont pavoisés de drapeaux britanniques et du Commonwealth, depuis Buckingham quand Charles III se présente. Immobile, il lève la main dans son costume violet, après avoir reçu l'hommage de sa maison militaire au palais. Il est à nouveau imperturbable quand les Red Arrows, équivalent britannique de la patrouille de France, volent en formation et lâche trois couleurs bleu blanc rouge au-dessus du palais. Ses sujets, eux, s'en réjouissent et applaudissent chaudement avant d'évacuer progressivement l'avenue. Peu après, une dame propose du thé chaud aux passants. Du début à la fin, la cérémonie aura été so british.
Source: Le Figaro