Des " Misérables " au " Jeune Imam ", le duo de producteurs qui dope le cinéma français
PortraitDepuis le triomphe du film de Ladj Ly en 2020, Toufik Ayadi et Christophe Barral se sont aménagé une place singulière dans l’industrie du cinéma. A la tête de Srab Films, les deux complices parient sur l’audace et la diversité. A l’image de leur dernier succès, « Le Jeune Imam », de Kim Chapiron, sorti le 26 avril.
Mars 2020, cérémonie des Césars. Outre le départ furieux d’Adèle Haenel à l’annonce de la récompense du meilleur réalisateur attribuée à Roman Polanski, cette édition restera celle qui a consacré comme meilleur film Les Misérables, le premier long-métrage de Ladj Ly – une plongée dans la violence de la ville de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis. Sur scène, deux trentenaires en smoking encadrant le réalisateur peinaient à cacher leur émotion. Christophe Barral et Toufik Ayadi, les producteurs du film, célébraient leur exploit : gagner la plus grande récompense pour une œuvre tournée « en mode débrouille », avec un maigre budget de 1,6 million d’euros, et recalée des principaux guichets de financement du cinéma français.
Une fois les difficultés initiales surmontées, les bonnes nouvelles n’ont fait que s’enchaîner : Prix du jury au Festival de Cannes en mai 2019, spectaculaire succès en salles avec 2 millions d’entrées, place de finaliste dans la catégorie meilleur film étranger aux Oscars de 2020. « Quand on est sur scène avec Ladj, c’est un peu “Black Blanc Beur” », s’amuse aujourd’hui Toufik Ayadi, reprenant ce slogan né dans l’euphorie de la victoire lors de la Coupe du monde de football de 1998 et devenu un symbole de l’idéal d’une France multiculturelle. « Cette formule a été abîmée, mais elle raconte notre goût pour le mélange, cette mixité sociale où chacun apporte quelque chose de là d’où il vient. »
Trois ans plus tard, Christophe Barral, 40 ans, et Toufik Ayadi, 42 ans, à la tête de leur société Srab (« amis » en argot arabe), ne font plus figure d’outsiders. Ils viennent de produire Le Jeune Imam, de Kim Chapiron, sorti le 26 avril, qui, malgré l’absence de star au casting ou le soutien d’un grand festival, et une sortie limitée dans moins de 150 salles, réalise un très bon démarrage, avec près de 100 000 entrées la première semaine. Et tout le milieu attend de pied ferme le second long-métrage de Ladj Ly, Les Indésirables, inspiré par le mandat du maire socialiste de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Claude Dilain, que les rumeurs ont un temps annoncé dans la sélection cannoise.
Incarnation d’un nouvelle vague
Leur aventure a commencé en 2016 avec Le Petit Locataire, de Nadège Loiseau, une comédie autour d’une grossesse tardive. Une quinzaine de longs-métrages ont suivi en sept ans. Srab est ainsi à l’origine du carton de Netflix, Banlieusards, coréalisé en 2019 par le rappeur Kery James et la cinéaste Leïla Sy, des Magnétiques, de Vincent Maël Cardona, César du meilleur premier film en 2022, et de Saint Omer, le premier long-métrage de fiction de la documentariste Alice Diop, doublement récompensé à la Mostra de Venise (Grand Prix du jury et Prix du premier film), César du meilleur premier film et lauréat du très respecté prix Jean Vigo.
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Source: Le Monde