L’irrésistible ascension de CMA CGM dans le transport et la logistique

May 07, 2023
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RécitLe troisième armateur mondial de porte-conteneurs, dirigé par Rodolphe Saadé, est en négociation exclusive pour racheter la logistique de Bolloré au prix de 5 milliards d’euros.

Chez les Saadé, on cultive la retenue et la discrétion. Il n’y aura donc ni flonflons ni champagne à gogo pour fêter la plus grosse acquisition de l’histoire de CMA CGM, si elle se finalise d’ici à la fin de l’année. La période d’examen des comptes s’achève, et l’armateur doit déposer une offre d’achat engageante autour du 8 mai. Mais la famille franco-libanaise, propriétaire du troisième armateur mondial de porte-conteneurs, ne serait pas peu fière de voir tomber Bolloré Transport & Logistics dans son escarcelle, avec ses implantations dans une bonne centaine de pays et un chiffre d’affaires de 7,1 milliards d’euros. Le PDG du géant marseillais, Rodolphe Saadé, doit pour cela signer un chèque d’environ 5 milliards.

Ce sera la dernière opération en date pour une multinationale qui les enchaîne depuis 2020, l’année de son retour à meilleure fortune, après une décennie difficile. Et même à la fortune tout court : CMA CGM a engrangé 44,6 milliards de dollars (40 milliards d’euros) de profits au cours des trois derniers exercices (2020-2022), grâce à la flambée des taux de fret durant les deux années où le prix spot pour l’acheminement d’une « boîte » de la Chine vers l’Europe a pu être multiplié par dix pour atteindre 15 000 dollars. Dans l’histoire du capitalisme hexagonal, aucune entreprise ne s’est développée aussi vite.

Cette manne financière aurait fait rêver Jacques Saadé, patriarche fondateur mort en 2018, qui avait écrit la première partie de l’histoire de CMA CGM. Fuyant le Liban en guerre avec femme et enfants, il avait créé, à Marseille, en 1978, la Compagnie maritime d’affrètement (CMA), qui n’exploitait, au début, qu’un navire entre la cité phocéenne et Beyrouth.

Dix ans plus tôt, aux Etats-Unis, il avait pris conscience de l’intérêt du conteneur, utilisé pour ravitailler l’armée américaine au Vietnam. Avant d’autres, il voit la Chine s’éveiller et ouvre un premier bureau à Shanghaï dès 1992. Il reprend à l’Etat la Compagnie générale maritime (CGM) en 1996 pour une misère (20 millions de francs), avec l’appui discret du président de la République Jacques Chirac, puis rachète l’armateur Delmas à Vincent Bolloré (déjà), en 2006, en échange d’un accord de longue durée dans la manutention des ports africains laissée à l’entrepreneur breton.

Au bord du naufrage en 2009

Il augmente sa flotte jusqu’à accumuler une dette qui le pousse au bord du naufrage, en 2009, quand le trafic maritime s’effondre à la suite de la crise financière. Le père n’a pas toujours eu les moyens d’ambitions parfois démesurées. L’héritier en dispose, et il a les coudées franches. L’entreprise, qui n’est pas cotée en Bourse, n’a que trois actionnaires : la famille Saadé (73 %), le conglomérat turc Yildirim Holding (24 %) et la banque publique Bpifrance (3 %), trace de son sauvetage par l’Etat durant les sombres années 2009-2012.

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Source: Le Monde