" B.R.I " sur Canal+, subtil polar en vase clos au plus près des flics d’élite

April 24, 2023
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Vanessa (Ophélie Bau) et Ferracci (Emmanuelle Devos) dans l’épisode 8 de la série « B.R.I ». CAROLINE DUBOIS/CANAL+

Sans carton ni aucune autre forme d’indication, le prologue de B.R.I nous renvoie sept ans en arrière, alors que Patrick (Bruno Todeschini), chef d’un groupe de la brigade de recherche et d’intervention, s’apprête à entrer au Bataclan, où une prise d’otages est en cours. Il y fait la connaissance de Saïd (Sofian Khammes), jeune recrue au CV bien étoffé, passé par la Syrie – « à mon avis, les gars à l’intérieur aussi », dit-il à propos des assaillants. Pas parfaitement lisible dans ses intentions, cette introduction à l’effet sidérant est à l’image d’une série qui signe le retour de Canal+ au polar, mais lorgne du côté de Michael Mann (Heat) plutôt que d’Olivier Marchal (Braquo).

Du Bataclan il ne sera d’ailleurs ensuite plus question dans la série, qui fait un bond dans le temps pour situer son action de nos jours à la BRI de Versailles, où Saïd vient de remplacer Patrick à la tête du groupe considéré comme le meilleur de la maison. Malgré la médiation de la patronne des lieux, la commissaire Ferracci (Emmanuelle Devos), la succession est compliquée par les vieilles méthodes de Patrick, qui lègue à Saïd son amitié avec un chef de gang gitan, en guerre ouverte avec un autre clan, les El Hassani. La cohésion du groupe est en outre secouée par l’arrivée d’un nouveau membre venu des « stups », Socrate, dont l’autonomie déroute et dont les motivations semblent dépasser les limites de son poste.

Déconstruction du genre

Privilégiant la vraisemblance au spectaculaire, B.R.I ôte les cagoules de ces agents d’élite œuvrant dans l’ombre pour mieux dévoiler un quotidien essentiellement composé de tâches basiques et fastidieuses, entrecoupées de planques et de filatures opérées par des agents dont on comprend rapidement qu’ils ont été choisis, de par leur origine sociale et/ou ethnique, pour passer inaperçus.

Leur temps libre est consacré à dormir et à soulever de la fonte pour préparer leur corps aux arrestations qui jalonnent les enquêtes ; et la série filme ces corps transpirants, surtout celui de la seule femme du groupe, Vanessa (Ophélie Bau), avec une pudeur rare. Naviguant entre des affaires connexes, l’intrigue maintient volontairement la série en vase clos. La caméra oscille entre le monde des truands et celui des policiers, il ne sera presque jamais question du dehors et des autres.

Ecrivain, scénariste et cinéaste, Jérémie Guez poursuit le travail de déconstruction du genre entamé dans son film Sons of Philadelphia (2020). L’équilibre subtil auquel parvient cette série, à la fois ultra-efficace et personnelle, tient à son choix de ne jamais s’élever au-dessus de son sujet et à déminer tout discours politique. Il tient aussi à sa mise en scène atypique des espaces urbains, cette façon de filmer les petites rues de Paris plutôt que les Champs-Elysées, et les banlieues pavillonnaires plutôt que la cité.

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Source: Le Monde