" Nous, scientifiques et experts, appelons les actionnaires de TotalEnergies à voter contre la stratégie climat de la firme "

May 07, 2023
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La trajectoire des politiques actuelles nous amène à un réchauffement global de + 3,2 °C par rapport à l’ère préindustrielle d’ici à 2100. Avec un réchauffement global de plus de 1,5 °C, de nombreux systèmes humains et naturels seront confrontés à des risques graves avec des impacts en partie irréversibles et une multiplication des dommages. Or, comme l’a souligné le dernier rapport du groupe III du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les émissions liées aux infrastructures fossiles existantes et actuellement planifiées excèdent déjà les émissions nettes cumulées des scénarios nous permettant de limiter le réchauffement à + 1,5 °C. Dans ce contexte, comme l’a rappelé l’Agence internationale de l’énergie (AIE) en 2021, plus aucun nouveau projet fossile n’a sa place si l’on veut atteindre zéro émission nette en 2050 et seule une réduction drastique, immédiate et durable des émissions de gaz à effet de serre (entre 40 à 70 % d’ici à 2050) aboutirait à un ralentissement du réchauffement climatique.

Pourtant, la multinationale française TotalEnergies et les autres majors continuent de développer de nouveaux projets pétroliers et gaziers (des « bombes climatiques ») dans le monde entier. TotalEnergies, qui se présente comme une entreprise engagée dans la transition énergétique, est la firme pétrolière internationale qui a approuvé le plus de nouveaux projets pétroliers et gaziers en 2022. Chacun d’entre eux nous éloigne un peu plus d’un monde à l’économie décarbonée.

Son projet d’oléoduc Eacop en Ouganda et en Tanzanie, relié aux puits Tilenga et Kingfisher en Ouganda, est emblématique des projets climaticides des majors pétrolières. En dépit des conclusions de l’AIE et du GIEC, TotalEnergies s’obstine à vouloir développer le plus long oléoduc chauffé au monde (1 443 kilomètres). Ce projet émettra, sur les vingt-cinq années annoncées, plus de 379 millions de tonnes équivalent CO 2 (en incluant la combustion du pétrole). Ce pipeline met en péril des zones à la biodiversité particulièrement sensible et son développement a déjà contribué à des violations avérées des droits humains en Ouganda et en Tanzanie. Ce projet, maintes fois repoussé, est absurde dans un monde qui verra la décroissance rapide des énergies fossiles ; mais, peut-être TotalEnergies estime-t-elle que le secteur pétrolier pourra ralentir la transition énergétique.

Redéfinir nos besoins

Face aux nombreuses critiques, la multinationale défend l’idée selon laquelle elle ne ferait que « répondre à la demande » en développant ses projets pétroliers et gaziers. Comme un collectif de scientifiques l’a rappelé (Libération du 23 février), cet argument, qui relève des douze « discours retardant l’action climatique », est fallacieux à plusieurs égards. Premièrement, il ne fait volontairement pas la distinction entre demande et besoins. La demande énergétique actuelle ne correspond en aucun cas uniquement à des besoins ; en témoignent les débats sur les jets privés. Deuxièmement, les producteurs ont toujours cherché et cherchent encore à orienter la demande énergétique future vers les énergies fossiles ; le dernier exemple étant le nombre record de lobbyistes de l’industrie fossile lors de la COP27 et l’absence de mention d’une sortie planifiée des énergies fossiles dans le texte final.

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Source: Le Monde