L’employeur ne peut pas géolocaliser son chauffeur en dehors des heures de travail
Il peut être tentant pour un employeur de vérifier à tout instant, grâce à un système de géolocalisation des véhicules professionnels, que ses salariés itinérants se trouvent bien là où ils doivent être. Mais il n’en a pas le droit. Le recours à la géolocalisation, sévèrement encadré par le code du travail (article 1121-1) et par la loi Informatique et libertés (délibération du 4 juin 2015), ne permet pas de surveiller le salarié en dehors de son temps de travail, comme viennent de le rappeler deux arrêts de la Cour de cassation, le 22 mars.
Le premier (21-24.729) concerne un chauffeur de la société France Balayage licencié en 2018 pour avoir utilisé sa balayeuse le soir après son travail. Le système de géolocalisation installé sur celle-ci a permis à l’employeur de lui écrire : « Le 16 novembre 2017, alors que vous étiez affecté sur un chantier à Chalivert (77), vous avez utilisé le véhicule en fin de journée pour vous rendre rue…, à plus de dix-neuf kilomètres de votre chantier… » L’employeur a encore constaté que, sur une période donnée, ses « allers-retours » ont « rajouté plus de 250 kilomètres par jour au kilométrage du camion ».
Le chauffeur ne conteste pas les faits, mais il soutient que la sanction est disproportionnée, car il devait se rendre au chevet de sa mère alors gravement malade, et morte depuis, en avril 2018. Il dénonce l’utilisation de la géolocalisation comme « moyen de traçage » de ses déplacements personnels.
Son licenciement est pourtant validé par la cour d’appel d’Amiens (Somme), le 1er septembre 2021, en ces termes : la géolocalisation est « justifiée par la nécessité » de « localiser le véhicule en cas de vol et de connaître le kilométrage effectué ». La Cour a estimé que les kilomètres supplémentaires ont ajouté « de la fatigue et du risque » pour la santé et la sécurité du chauffeur, dont l’employeur est garant, et qu’« aucun contrôle de sa vie privée n’[a] été mis en place ».
Moyen de preuve illicite
La Cour de cassation, saisie par le chauffeur, la censure, en estimant que le code du travail a été « violé », ainsi que les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La cour d’appel ne pouvait statuer comme elle l’a fait après avoir « constaté » que la collecte des données de localisation, officiellement destinée à la protection contre le vol et à la vérification du kilométrage, avait été utilisée « pour surveiller le salarié et contrôler sa localisation en dehors de son temps de travail ». Ce dont il résulte que « l’employeur avait porté atteinte à sa vie privée, et que ce moyen de preuve tiré de la géolocalisation était illicite », explique la Cour de cassation.
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Source: Le Monde