Martin Hirsch : "La raison n'est pas du côté de ceux qui laissent la maison brûler"
"C'est un livre auquel j'ai pensé quand j'étais à l'APHP, avant le Covid", explique Martin Hirsch pour justifier le thème de son roman, le changement climatique. "J'étais déjà très marqué par ce que j'entendais, la perspective du point de bascule, le "turning point" comme dit le Giec, et tous les gens qui soit n'y croyaient pas, soit se disaient qu'on ne pouvait rien y faire, soit ne prenaient pas cela au sérieux. Et puis cette montée sourde de l'angoisse chez les jeunes."
Les "solastalgiques", ce sont les victimes d'éco-anxiété. "C'est la douleur de la désolation", précise-t-il. "C'est un sociologue australien qui a inventé le mot, en voyant ce qui se passait dans les populations à côté des mines de charbon à ciel ouvert. Ils voyaient la perte de leur habitat, la perte de l'environnement, la perte de l'univers, inéluctable et de la main de l'homme. C'est la nostalgie du monde, non pas qui disparait, mais qu'on fait disparaitre."
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"J'ai fait une conférence sur le sujet devant une promotion de jeunes au sein de l'Institut de l'Engagement, et j'ai été moi-même pris de court par leurs réactions, par leurs larmes", raconte Martin Hirsch. "Notre génération ne brille pas par sa capacité à avoir stoppé le processus."
"Les contraintes, il faut les faire peser" sur les responsables du réchauffement climatique
"Mon livre tente de détruire le concept d'écologie punitive, qui est un des plus cyniques du débat actuel", explique-t-il. "Cette expression est faite pour ne rien faire, elle est d'une perversité extraordinaire. Quand on regarde la situation, les 10 % des plus riches provoquent 50 % des émissions. Et 50 % des plus pauvres, soit la moitié du monde, ne produisent que 10 à 15 % de ces émissions. Vous avez donc une partie de chaque génération, une partie du monde, qui est responsable de la moitié des effets terribles sur le climat, et ceux-là ont tout intérêt à dire, à chaque mesure sur le climat, qu'on va 'punir les plus pauvres', pour éviter d'avoir eux-mêmes à changer leur comportement."
"Il y a une sorte de consensus qui fait échouer la taxe carbone, qui fait échouer tout mécanisme contraignant, parce qu’on sait sur qui pèseront les contraintes. Et moi je pense que ces contraintes, il faut les faire peser."
Pour Martin Hirsch, "on vit dans une société dans laquelle on ne vous demande pas de choisir". "Beaucoup de gens sont contre la taxe carbone, contre les contraintes... Mais sont-ils vraiment pour les 4,4°C, les 6 mètres de plus des mers, la disparition de 20 % des espèces, de 80 % des insectes, de plus de la moitié des glaciers ? Comment la démocratie peut-elle s'organiser pour mettre la population devant ses propres contradictions ?"
"Il y a besoin des activistes" en matière d'écologie
Dans son livre, les personnages finissent par tomber dans l'illégalité pour tenter d'inverser la tendance. Est-ce la seule solution selon lui ? "Martin Hirsch, ce qu'il pense, c'est qu'il faut agir. On a accepté il y a 20 ans que la Constitution prévoie que lorsqu'on vote des lois sur la sécurité sociale, il y a un mécanisme qui prévoit qu'on n'a pas le droit de dépasser un certain niveau de dépenses. C'est violent, comme mécanisme, d'ailleurs les hôpitaux le contestent. Mais la démocratie a accepté cette contrainte : pourquoi on ne met pas une contrainte similaire sur les émissions de carbone ? Quand le Giec dit qu'il faut faire -5% par rapport à l'année précédente, on consomme -5%. Ces mécanismes-là ont besoin d'une élaboration démocratique... Mais si cette élaboration ne vient pas, d'autres s'y substitueront."
La solution ne peut-elle venir que de la société civile et déjà plus des politiques, qui brillent par leur inaction ? "Valérie Masson-Delmotte dit : moi je ne suis pas activiste mais il y a probablement besoin des activistes. Ça veut dire que le peinturlureur est probablement déraisonnable, mais celui qui laisse l'autorisation des pesticides et qui subventionne le pétrole, est-il moins déraisonnable ? La raison n'est probablement pas du côté de ceux qui laissent la maison brûler."
Source: Radio France