3 000 milliards d’euros de dette : jusqu’ici tout va bien ?
Le gouvernement a présenté jeudi dernier le programme de stabilité macroéconomique et financière du pays. Quelle menace le niveau de la dette fait-il peser sur notre souveraineté? La réduction de la dépense va-t-elle devenir une priorité ? Et comment se désendetter tout en préparant l'avenir?
La dette publique, instrument de politique économique
Pour Éric Heyer, si « les chiffres sont un peu impressionnants, le niveau de la dette, en fait, importe peu. » La vraie question, selon lui est la suivante : « à quoi cela a-t-il servi de s'endetter de façon considérable ? Si on ne s'était pas endettés, où en serait-on aujourd'hui? Pendant la crise, on a sauvé le tissu productif », rappelle l’économiste. "On a sauvé aussi le pouvoir d'achat d’un certain nombre de ménages. La dette publique, ce n’est pas un objectif. La dette publique, c'est un instrument. On doit avoir d'autres objectifs de politique économique. Ce n’est sans doute pas intéressant d'utiliser la dette publique pour financer les retraites. En revanche, pour un certain nombre de défis dans l'avenir, la dette publique peut être un instrument. Le juge de paix, c'est un peu les taux d'intérêt auxquels on relève sur les marchés financiers. C'est là que l’on a encore des marges de manœuvre."
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La réforme des retraites, outil de redressement des finances publiques
François Ecalle estime qu’il faut « arriver à contrôler l'évolution de la dette publique. Ce qui veut dire arriver au moins la stabiliser, la réduire un peu, réduire le déficit public. L'idéal serait de le faire grâce à une croissance plus forte. » L’ancien magistrat à la Cour des comptes signale que « le recul de l'âge de départ à la retraite permet d'augmenter la population active et, à terme, cela permet d'augmenter l'emploi, d'augmenter la croissance, d'avoir plus de recettes publiques non seulement pour les caisses de retraite, mais aussi pour l'Etat et les collectivités locales. » Selon lui, cette mesure permet donc de « redresser les finances publiques tout en permettant d'avoir une croissance plus forte. Après la question est en effet : est-ce qu'on joue sur les dépenses ou est ce qu'on joue sur les recettes ? On peut encore augmenter les impôts. On ne sait pas quelle est la limite, mais je pense que si on a des taux d'imposition beaucoup plus élevés que ceux de nos partenaires et concurrents, on finit par avoir des problèmes de compétitivité, d'attractivité du territoire et donc on prend des risques »
Faut-il s’inquiéter pour l’Europe ?
François Ecalle se dit « très inquiet pour la zone euro. Eurostat a publié vendredi le niveau des dettes publiques à fin 2022 », rappelle-t-il. « En fait, on a un groupe de six pays qui sont tous au Sud sauf la Belgique, qui a une dette supérieure à 105 % du PIB. Donc on a un gap entre les pays du Nord et du Sud qui s'accroît avec le temps. Il y a dix ans, on avait le même taux d'endettement entre la France et l'Allemagne et leur divergence aujourd’hui est quand même très inquiétante. Cela m'inquiète pour des raisons politiques parce que je crains qu'un parti populiste n'arrive au pouvoir dans un pays du nord de l'Europe. Je crains un éclatement de la zone euro un jour à cause de la sortie d'un pays du Nord. Puis une fois qu'il y en a un qui sera sorti, les autres risquent de suivre. »
Eric Heyer de son côté considère que « la solution serait de se tourner vers un peu plus de mutualisation. Il est possible que l’on réduise la dépense publique au niveau national, mais cela veut dire qu'il faudrait que ce soit l'Europe qui prenne le relais pour des grands enjeux comme la transition écologique, la ré-industrialisation, la souveraineté médicale. Donc cela veut dire qu’au niveau national, on réduit la dépense publique, mais c'est pris en relais par une dette européenne et l’on va vers un peu plus de rebond. C'est la seule solution » conclut l’économiste.
Source: France Culture