Soudan : pendant que la guerre fait rage, les négociations piétinent en Arabie saoudite

May 08, 2023
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Des Soudanais avec leurs bagages à un arrêt de bus, à Khartoum, le 8 mai 2023. - / AFP

Les combats font rage lundi 8 mai à Khartoum et dans d’autres régions du Soudan entre les camps des deux généraux rivaux, alors que les négociations sur une trêve entre leurs représentants piétinent en Arabie saoudite. Les 5 millions d’habitants de Khartoum vivent pour la quatrième semaine de suite barricadés chez eux par peur des balles perdues.

Sans eau ni électricité, avec des stocks de nourriture quasiment à sec et de moins en moins d’argent liquide, ils survivent sous une chaleur écrasante grâce à la solidarité entre voisins et proches. Le réseau téléphonique et Internet vont et viennent au gré des efforts des compagnies de télécommunications, qui peinent à trouver du carburant pour faire tourner les générateurs.

Les affrontements opposent depuis le 15 avril l’armée d’Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane aux redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) de Mohammed Hamdan Daglo, deux généraux qui avaient mené ensemble un putsch en 2021 mais se battent aujourd’hui pour le pouvoir. Les nombreuses trêves annoncées n’ont quasiment pas été respectées et l’ONG Acled dénombre déjà plus de 750 morts dans le pays, et les autorités soudanaises 5 000 blessés.

Pillages « massifs » selon l’ONU

« Les principaux locaux du Programme alimentaire mondial ont été pillés », a affirmé lundi Farhan Haq, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Il a dénoncé des pillages « massifs » dans le pays, où, avant la guerre, un Soudanais sur trois souffrait déjà de la faim. « Notre priorité est de parvenir à un cessez-le-feu durable » et de permettre l’arrivée de l’aide humanitaire, a déclaré de son côté l’ambassadeur américain au Soudan, John Godfrey.

De l’autre côté de la mer Rouge, à Djedda, en Arabie saoudite, les émissaires des deux camps sont censés négocier une trêve. Selon un fonctionnaire de l’ONU, le responsable de l’ONU pour les affaires humanitaires, Martin Griffiths, arrivé dimanche à Djedda, a demandé à y participer. Ces « prédiscussions » sont uniquement « techniques », tempèrent depuis plusieurs jours les négociateurs soudanais et internationaux. Elles ne concernent aucun volet politique – le pays est en plein marasme depuis le putsch de 2021.

Elles se limiteront, assurent les experts, à dégager des corridors sécurisés pour l’aide humanitaire qui arrive sur la côte est, à Port-Soudan, afin de nourrir et soigner les civils pris au piège à Khartoum et au Darfour, autre région très touchée par les affrontements, située dans l’ouest frontalier du Tchad. Dans ces deux zones, quasiment plus aucun hôpital ne fonctionne et les réserves humanitaires ont été bombardées ou pillées dans leur majorité.

« Bonnes grâces »

Pour Kholood Khair, spécialiste du Soudan, le manque de résultat de ces discussions n’est pas surprenant. Avec ces pourparlers, les deux camps cherchent surtout « à s’attirer les bonnes grâces des Saoudiens et des Américains, plutôt que d’arriver à un accord », dit-elle à l’Agence France-Presse. De plus, les partisans d’un pouvoir civil, écartés depuis le putsch et qui font le lien avec les humanitaires sur le terrain, ne sont pas représentés à Djedda. N’y sont pas non plus les acteurs qui pourraient changer la donne, note-t-elle, en référence aux Emirats arabes unis, grands alliés de Daglo, et l’Egypte, partenaire historique de l’armée soudanaise.

Parallèlement aux Américains et Saoudiens, l’Union africaine – qui a suspendu le Soudan en 2021 et n’a donc plus de grands leviers de pression – et l’IGAD, le bloc régional d’Afrique de l’Est dont fait partie le pays, tentent d’organiser des discussions sous l’égide du président du Soudan du Sud, Salva Kiir. Ce dernier a reçu lundi à Juba un émissaire du général Al-Bourhane, pour qui les discussions de Djedda ne diminuent pas « le rôle que l’IGAD et le président Salva Kiir » pourraient jouer dans les négociations entre les deux généraux.

Les combats ont provoqué un vaste exode des habitants des régions touchées, l’ONU parlant de 335 000 déplacés et de 117 000 réfugiés. En pleine crise économique, l’Egypte a accueilli plus de 65 000 réfugiés soudanais. Son chef de la diplomatie, Sameh Choukri, était lundi au Tchad, où il a sonné l’alarme sur la « tragédie humaine » du conflit et son « impact direct sur les pays voisins », avant de rejoindre le Soudan du Sud, un autre voisin du Soudan, qui a accueilli, avec le Tchad, plus de 57 000 personnes fuyant la guerre.

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Le Monde avec AFP

Source: Le Monde