Réforme des retraites : quel impact sur les ruptures conventionnelles ? On vous répond

May 09, 2023
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« Mon mari est né en 1967. Il a commencé à travailler à 17 ans. À quel âge pourra-t-il partir en retraite ou rupture conventionnelle ? » demande Yolande, de Saint-Adrien (Côtes-d’Armor).

Yolande, vous n’êtes pas seule à vous interroger au sujet des ruptures conventionnelles qui concernent particulièrement les salariés proches de la retraite, essentiellement parce que les règles de l’assurance chômage permettent de faire le lien jusqu’à la retraite.

À partir de 59 ans, la rupture conventionnelle permettait jusqu’ici une sorte de préretraite. Des employeurs, mais aussi des salariés, proposent une rupture conventionnelle pour en tirer avantage.

Selon une analyse de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) publiée en mai 2013, la rupture conventionnelle représentait à ce moment-là 25 % des fins de contrat à durée indéterminée pour les salariés entre deux ans et trois ans avant l’âge légal de la retraite et ne représente que 16 % des fins de CDI pour l’ensemble des salariés en France.

Avec la réforme des retraites et le retardement de l’âge légal de départ, les assurances feront-elles toujours le lien et à partir de quel âge ? La rupture conventionnelle est-elle toujours aussi avantageuse pour les pensions de retraite ? Vaut-il mieux privilégier un départ volontaire à une rupture conventionnelle ? Quelles sont les choses à savoir avant de s’engager en ce sens ? Ouest-France vous répond.

Qu’est qu’une rupture conventionnelle ?

La rupture conventionnelle est une procédure qui permet à l’employeur et au salarié de convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée qui les lie, nous dit l’Urssaf. Une rupture conventionnelle ne peut s’appliquer en cas de contrat à durée déterminée (CDD). « Cette rupture passe par une convention entre les parties qui comporte un certain nombre de garanties pour le salarié et lui ouvre droit au bénéfice de l’allocation d’assurance chômage. »

Autrement dit, un contrat, qui comporte un certain nombre de garanties pour le salarié, et lui ouvre droit, dans les conditions de droit commun, au bénéfice de l’allocation d’assurance chômage. Ce contrat, ou cette convention, peut également fixer le montant d’une indemnité de rupture conventionnelle, dont l’objet est de réparer le préjudice résultant de la rupture.

Quel avantage pour les salariés proches de la retraite ?

Lorsque le salarié n’est pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire, l’indemnité de rupture conventionnelle homologuée suit le même régime social que l’indemnité de licenciement versée en dehors d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

A contrario, les indemnités de rupture conventionnelle perçues par les salariés en droit de bénéficier d’une pension de retraite sont intégralement soumises aux cotisations de Sécurité sociale ainsi qu’à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

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Quelle différence avec un départ volontaire ?

« L’indemnité de départ volontaire à la retraite (hors Plan de sauvegarde de l’emploi) a un caractère de salaire, explique Pierre Lacreuse, de Sciences-Po Paris, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, chef d’entreprise et éditeur juridique et relations humaines sur internet dans son article « Rupture conventionnelle avant la retraite » . De ce fait, elle est assujettie dès le premier euro aux cotisations de Sécurité sociale, ainsi qu’à la CSG-CRDS. Son montant dépend de la convention collective. L’indemnité légale (le minimum) est nettement inférieure à une indemnité de rupture conventionnelle. »

Allocations chômage plus avantageuses ?

Selon l’auteur, pour le salarié, la rupture conventionnelle avant la retraite est souvent plus favorable que le départ volontaire à la retraite. Après une rupture conventionnelle, le salarié pouvait jusqu’ici bénéficier d’une allocation de chômage, sous réserve que les conditions générales soient remplies.

Pour les demandeurs d’emploi âgés de 55 ans et plus, la durée d’indemnisation normale était de trois ans maximum. Mais, l’allocation de retour à l’emploi (ARE) peut être perçue jusqu’à ce que le bénéficiaire puisse obtenir sa retraite à taux plein et jusqu’à 67 ans. Toutefois, certaines conditions devaient être remplies à l’âge légal du départ en retraite de 62 ans.

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Quelles conditions ?

Être indemnisé depuis au moins un an, justifier de 12 ans d’affiliation à l’assurance chômage (période de travail salarié), ou périodes assimilées. Avec au moins une année continue ou deux années discontinues durant les 5 dernières années de travail et disposer d’au moins 100 trimestres validés par l’assurance vieillesse.

« Cette possibilité est particulièrement importante pour les salariés qui ne disposent pas du nombre de trimestres requis pour une retraite de base à taux plein dès 62 ans », précise Pierre Lacreuse.

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Des avantages côté employeur ?

L’employeur peut aussi trouver un intérêt à la rupture conventionnelle avant la retraite. C’est le cas lorsqu’il y a un sureffectif dans l’entreprise dans le type d’emploi du salarié. Ou aussi lorsque l’employeur constate que le salarié est fatigué, ou ne parvient plus à s’adapter à l’évolution du travail ou de l’organisation. En outre, comme le salarié, l’employeur évitera les cotisations sociales et la CSG-CRDS sur l’indemnité.

Enfin, l’employeur ne peut pas mettre d’office à la retraite un salarié qui a moins de 70 ans. Avant 70 ans, l’employeur ne peut que proposer au salarié de partir à la retraite, s’il a atteint l’âge du droit à retraite à taux plein. Et le salarié est en droit de refuser.

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Que change la réforme des retraites 2023 ?

Le projet de Loi de Financement Rectificative de la Sécurité Sociale pour 2023 prévoit un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, l’âge légal à partir duquel il est possible de partir à la retraite serait progressivement relevé.

Et présage ainsi une accélération de la hausse de la durée d’assurance, avec 43 annuités nécessaires pour bénéficier d’une retraite à un taux plein dès 2027 (l’âge d’annulation de la décote reste à 67 ans) et des adaptations du dispositif de carrière longues.

C’est en tout cas ce qu’explique un rapport de l’Unedic, l’association chargée par délégation de service public de la gestion de l’assurance chômage en France, en coopération avec Pôle emploi, sur l’articulation entre assurance chômage et retraites datant de mars 2023.

Ce sont les deux premières mesures citées ci-dessus qui sont susceptibles d’impacter le plus le régime d’assurance chômage à terme. Les seniors qui seront concernés par le recul des âges de départ se retrouveront à terme en emploi, au chômage ou en inactivité. L’Unédic rappelle pour autant que cette répartition est à ce stade incertaine.

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Quel impact sur la réglementation d’assurance chômage ?

La réglementation d’assurance chômage fait référence aux bornes d’âges de départ à la retraite. Une modification de ces bornes impliquerait des modifications de la réglementation d’assurance chômage.

Une des modifications inhérentes serait l’âge limite de versement des droits. Le Code du travail (art. L.5421-4) et la réglementation prévoient que l’indemnisation peut être perçue jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite.

Une autre modification concernerait le dispositif de maintien de droits. L’âge d’accès au dispositif « suit » en principe l’âge légal de départ à la retraite. « En l’état, la réglementation prévoit que le dispositif de maintien est accessible à partir de 62 ans », rappelle l’Unedic.

Concernant les modalités de cumul avec l’avantage vieillesse, aujourd’hui, la réglementation prévoit des modalités de cumul de l’allocation avec un avantage vieillesse (ou pension militaire) qui dépendent de certaines bornes d’âge et qui pourraient s’ajuster compte tenu de l’évolution de l’âge légal de départ à la retraite.

Source: Ouest-France