Sécheresse : avec zéro têtard et vingt fois moins d’oiseaux migrateurs, des réserves naturelles durement touchées

April 24, 2023
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Un chevalier gambette (Tringa totanus) dans le parc régional du Marais poitevin, en Charente-Maritime. EMILE BARBELETTE / BIOSPHOTO

Pour pondre, le pélodyte ponctué, un petit crapaud vivant dans les prairies humides, ne demande qu’un creux de terrain rempli d’eau. Mais, très tôt en 2022, toutes les petites dépressions de la réserve naturelle nationale de Saint-Denis-du-Payré, en Vendée, se sont retrouvées à sec. « Depuis une dizaine d’années, il n’était jamais arrivé que cette espèce ne se reproduise pas, observe Pierre de Bouët du Portal, le conservateur de la réserve. C’est un gros souci, car ces animaux n’ont pas une longévité importante. S’ils ratent une année de ponte, voire deux ou trois si ces épisodes se répètent, les populations vont disparaître peu à peu. »

Dans une note publiée lundi 24 avril, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a recensé les principaux effets de la sécheresse historique de 2022 dans les dix espaces protégés qu’elle gère en Charente-Maritime et en Vendée. Baisse ou absence de reproduction, mortalité, chute de la fréquentation d’oiseaux migrateurs, difficultés de développement de la végétation… Si tous les sites n’ont pas été affectés dans les mêmes proportions, les conséquences sont en grande partie sans précédent.

Dans la réserve du marais de la Vacherie par exemple, également située en Vendée, aucun couple de guifettes noires ne s’est reproduit, contre vingt à quarante en temps normal. Une première depuis le début du suivi de cette espèce, dont on compte moins de cent couples en France. « Les animaux sont capables d’encaisser des crises, mais cela fait déjà pas mal d’années que la population de la guifette noire régresse, rappelle Victor Turpaud-Fizzala, le conservateur. Ces oiseaux ont de plus en plus de mal à trouver de la végétation aquatique où poser leur nid. »

Reproduction perturbée

Outre les amphibiens ou les oiseaux, d’autres espèces ont vu leur reproduction très fortement perturbée, telles les libellules, les demoiselles ou les araignées, à la base de la chaîne alimentaire. Des mortalités importantes ont également été constatées. « Les niveaux d’eau étaient tellement bas que des milliers et des milliers de poissons sont morts, c’était assez épouvantable à vivre », raconte Victor Turpaud-Fizzala.

Autre conséquence, les effectifs des oiseaux d’eau migrateurs dans les réserves de Saint-Denis-du-Payré et de la Vacherie ont fondu : ils ont été dix-neuf fois moins importants en août 2022 que lors des cinq années précédentes à la même période, passant d’environ 1 200 oiseaux par jour en moyenne à soixante-quatre. A Saint-Denis-du-Payré, seuls treize couples de vanneaux huppés ont été observés, contre trente-cinq à quarante en temps normal. « Ces oiseaux ont pu tenter d’aller nicher ailleurs, mais la sécheresse était encore plus intense à l’extérieur de la réserve, explique Pierre de Bouët du Portal. Nous étions l’endroit le plus mouillé du coin car nous avons un protocole de gestion de l’eau particulier. »

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Source: Le Monde