En Andalousie, 26 personnes arrêtées pour vol d’eau afin d’irriguer avocatiers et manguiers
Le réservoir de La Viñuela dans un état de grave sécheresse, en Espagne, le 22 mars 2023. JON NAZCA/REUTERS
Caché sous un vieux bidon oxydé, un large tuyau sort de terre, résultat d’un forage illégal, dans l’Axarquia, région agricole de la province de Malaga, en Andalousie, connue pour ses 13 000 hectares de fruits tropicaux, principalement des avocats et des mangues. Près du barrage de la Viñuela, principale source d’approvisionnement en eau de cette agriculture très gourmande en eau – une retenue actuellement à moins de 10 % de sa capacité, un niveau très préoccupant à la veille de l’été –, d’autres prises d’eau non autorisées sont dissimulées sous des branchages.
Ailleurs, c’est un raccord illégal sur le forage d’un autre agriculteur, légal lui, occulté sous de la végétation, que découvrent les agents du Service de protection de la nature (Seprona), dépendant de la garde civile. Au-dessus de 140 mètres d’altitude, niveau maximum fixé pour l’irrigation des cultures, des bassines sont, elles, bien visibles du ciel…
Lundi 8 mai, vingt-six personnes ont été arrêtées en Andalousie pour des « délits présumés contre les ressources naturelles et l’environnement » et « usurpation des eaux publiques ». Elles ont été placées en garde à vue. Une enquête a été ouverte contre quarante-quatre autres suspects, et une centaine d’autres agriculteurs ont été identifiés comme possibles bénéficiaires. Au total, quelque 250 infrastructures illégales servant à voler de l’eau dans les rivières et barrages ou les aquifères (puits, sondages, forages, bassines, etc.) ont été détectées dans l’Axarquia par le Seprona. Les images dévoilées par la garde civile sont accablantes.
Dommages incalculables
L’enquête, qui dure depuis quatre ans, reste ouverte. Les premières plaintes avaient été déposées par d’autres agriculteurs de fruits tropicaux, en règle, puis par une association d’irrigants, inquiète du pompage effectué dans les eaux superficielles, et enfin à la demande du parquet spécialisé dans la protection de l’environnement.
« Cela fait plus de dix ans que nous dénonçons les extractions illégales d’eau, rappelle le président du cabinet d’étude de la nature de l’Axarquia (Gena-écologistes en action), le biologiste Rafael Yus. Nous ne pouvions pas les vérifier car elles se trouvent essentiellement sur des terrains privés, mais c’était évident, étant donné la croissance de la superficie de fruits tropicaux observée ces dernières années. L’administration aurait dû agir plus tôt. »
Dans les 250 puits illégaux de l’Axarquia, près de 26 millions de mètres cubes auraient été volés afin d’arroser plus de 240 hectares d’avocatiers et de manguiers, selon les estimations du Seprona. Ces pertes, estimées à 10 millions d’euros par le service du domaine public hydraulique du gouvernement andalou, ont en réalité causé des dommages incalculables aux nappes phréatiques dans un contexte de grave sécheresse. De fait, la masse d’eau affectée par ces vols est considérée en situation de « surexploitation » par l’administration, déclarée en « situation de sécheresse prolongée » depuis juin 2021, et les agriculteurs sont soumis en conséquence à des restrictions d’eau.
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Source: Le Monde