" Réarmer industriellement les Etats-Unis pour faire face à la Chine : Trump en rêvait, Biden l’a réalisé "

May 09, 2023
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Lors du colloque SelectUSA sur les investissements étrangers aux Etats-Unis, qui s’est tenu du 1er au 4 mai (National Harbor, Maryland), Michael Suess, président du conglomérat suisse OC Oerlikon, a fait à ses hôtes américains une remarque surprenante : « Vous avez un environnement politique stable en dépit des nouvelles » dans les médias. Stable ? Malgré le coup d’Etat raté par Donald Trump, le 6 janvier 2021 ? Malgré les révélations sur le juge à la Cour suprême Clarence Thomas, qui nage dans l’argent de ses amis milliardaires conservateurs ? Malgré la menace de faillite de l’Etat fédéral, faute d’un relèvement du plafond de la dette ?

Pourtant, M. Suess n’a pas tort. Il est une autre Amérique, qui travaille en paix hors de la politique, celle du business. C’était flagrant début mars, lors de la Ceraweek, le forum des industries pétrolières de Houston, qui n’en finissait pas de célébrer les subventions du président Biden à la transition énergétique. Ce fut confirmé au forum SelectUSA, organisé par l’Etat fédéral pour aspirer les investissements de toute la planète.

Quelle est donc la vraie Amérique ? Celle un brin désespérante de Washington et des rubriques politiques des journaux, ou celle des entreprises et des Etats fédérés qui cheminent tranquillement ? Les deux, bien sûr, mais un petit retour en arrière permet de noter que les déchirures de l’Amérique ont profondément évolué depuis la grande crise de 2008.

Le combat a changé de nature

A l’époque, c’était Wall Street contre Main Street : les grandes firmes de New York avaient fait exploser la planète finance et plonger l’Amérique travailleuse dans la pire récession connue depuis les années 1930. Petit à petit, le combat a changé de nature, depuis la marche vers la Maison Blanche de Donald Trump, en 2016 : ce fut l’Amérique prospère des côtes contre les Etats désindustrialisés de la Rust Belt, la « ceinture de la rouille », et les ouvriers blancs se jugeant victimes de la mondialisation.

Et puis, soudain, ce sujet s’est estompé. Parce que le chômage est retombé à son plus bas niveau depuis la fin des années 1960 ; parce que les plus bas salaires augmentent enfin. Parce que l’Amérique a trouvé un nouveau consensus social et nationaliste : un réarmement industriel fait de protectionnisme et de subventions massives, pour se protéger de la Chine et des risques de rupture d’approvisionnement, et pour redonner l’espoir à la Rust Belt. Donald Trump en rêvait, Joe Biden l’a réalisé.

Certes, l’inflation rend le président actuel impopulaire, mais elle est en reflux, tandis que la récession maintes fois annoncée n’arrive pas. Si la crise bancaire et immobilière ne dégénère pas, l’élection 2024 ne se jouera pas sur l’économie, sujet plus consensuel qu’il n’y paraît, mais sur la « guerre culturelle », quasi religieuse, sur l’avortement, le racisme, les transgenres ou les armes.

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Source: Le Monde