Russie : sept ans de prison pour avoir " nié le caractère nazi du régime ukrainien " au téléphone
A la faveur de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine, le système judiciaire russe ne cesse d’innover. Lundi 24 avril, le pays a enregistré sa première condamnation pour diffusion de « fausses informations » sur l’action de l’armée sur la base d’écoutes téléphoniques. Un capitaine de police nommé Semiel Vedel a reçu sept années de prison avoir évoqué les meurtres de civils en Ukraine, la sous-estimation des pertes militaires russes ou encore, selon les mots de l’enquête, pour avoir « nié le caractère nazi du régime ukrainien ».
Outre la sévérité de la peine, c’est le mode opératoire des enquêteurs qui interpelle. Semiel Vedel, qui travaillait comme chauffeur pour un haut gradé du ministère de l’intérieur, avait été placé sur écoute par ses collègues. Officiellement, la raison serait une affaire de meurtre vieille de vingt ans, et non des doutes sur la loyauté de l’officier de 37 ans, de nationalité russe mais né lui-même à Irpine et dont le père réside à Boutcha, deux localités d’Ukraine où les troupes russes sont accusées d’avoir mené des exactions contre les civils.
« Intrusion monstrueuse dans la vie privée »
Trois conversations avec des amis et des collègues, datant de mars 2022, ont été versées au dossier. Les enquêteurs se sont toutefois heurtés à une difficulté juridique : l’article du code pénal utilisé (adopté spécialement après l’invasion de l’Ukraine) mentionne la « diffusion publique de fausses nouvelles sur l’action de l’armée ». Pour contourner l’obstacle, un « public » a bel et bien été trouvé : l’agent qui écoutait Vedel.
En effectuant son travail, ce dernier aurait ressenti « angoisse, peur, et le sentiment de ne pas être protégé par l’Etat ». Ces formulations figurent dans le dossier de Semiel Vedel. Un opposant emprisonné, Ilia Iachine, a pu consulter ce dossier en prison, où il a côtoyé le policier durant sa détention préventive, et a contribué à rendre publique l’affaire. Lors de la dernière audience avant la condamnation, l’avocat du policier a dénoncé « une intrusion monstrueuse dans la vie privée des gens », et dit craindre que « n’importe quelle conversation dans la cuisine » puisse désormais tomber sous le coup de la loi.
De fait, les tribunaux ont déjà examiné des dizaines d’affaires nées de dénonciations à la suite de conversations privées.
Source: Le Monde