En Espagne, les restes du dernier dignitaire franquiste ont été évacués du site mémoriel d’El Valle de los caidos

April 24, 2023
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A l’extérieur du cimetière San Isidro à Madrid, des militants fascistes saluent en hommage au politicien José Antonio Primo de Rivera, fondateur de la Phalange. Ses restes, exhumés de la basilique d’El Valle de los caidos, où il reposait jusque-là, ont été transférés vers le cimetière madrilène, le 24 avril 2023. THOMAS COEX / AFP

Bras levé et main tendue, une quinzaine de personnes ont exécuté des saluts fascistes tandis que le corbillard transportant les restes du fondateur, en 1933, de la Phalange espagnole, José Antonio Primo de Rivera, quittait le mausolée-basilique d’El Valle de los caidos, où ils reposaient, à une cinquantaine de kilomètres de Madrid, lundi 24 avril. Dans la capitale espagnole, devant le cimetière San Isidro où ils devaient être enterrés, près de deux cents militants fascistes entonnaient quant à eux l’hymne de la Phalange, le Cara al sol, en attendant qu’arrive le cortège funèbre. Certains brandissaient des drapeaux préconstitutionnels, marqués de l’aigle franquiste, bien que la nouvelle loi de mémoire démocratique interdise expressément l’exaltation du franquisme, du coup d’Etat de 1936 et de la dictature de Francisco Franco.

C’est en vertu de cette loi, en vigueur depuis le mois d’octobre 2022, que le gouvernement espagnol a procédé au transfert des restes de José Antonio Primo de Rivera (1903-1936), lundi. Depuis l’inauguration en 1959 d’El Valle de los caidos, la vallée de ceux qui sont « tombés » – pour « Dieu et pour l’Espagne », selon l’usage franquiste –, sa tombe se trouvait dans le chœur de cette sinistre basilique creusée dans la montagne, au pied de l’autel, sous une stèle gravée de son nom.

Entre 1975 et 2019, le dictateur Franco reposait à ses côtés, dans cet immense mausolée surmonté d’une croix de 150 mètres de haut. Les deux hommes y étaient honorés par des nostalgiques du franquisme et des militants phalangistes lors de messes célébrées par la communauté bénédictine qui occupe les lieux. Le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez a mis fin, il y a près de quatre ans, à ce qu’il qualifiait d’« anomalie historique » et d’« affront à la démocratie espagnole » et il a fait exhumer les restes du dictateur en octobre 2019, pour les transférer dans le panthéon familial du petit cimetière municipal du Pardo-Mingorrubio, près de Madrid. Fusillé à Alicante en novembre 1936 par les Républicains, le cas de Primo de Rivera était juridiquement plus complexe à traiter.

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El Valle de los caidos, rebaptisé Valle de Cuelgamuros par la nouvelle loi, abrite dans ses cryptes les restes de quelque 33 000 victimes de la guerre d’Espagne, aussi bien républicaines que franquistes, et il doit devenir à terme un cimetière civil et un centre de mémoire racontant l’histoire de ce lieu construit par des milliers de prisonniers politiques, sur ordre de Franco, pour célébrer sa « glorieuse croisade ». En tant que victime de la guerre d’Espagne, le fondateur du parti unique, autour duquel s’est organisé le régime franquiste, avait légalement le droit d’y rester enterré. Afin d’éviter les hommages, la nouvelle loi a cependant établi que « les restes des dirigeants du coup d’Etat militaire de 1936 ne pourront pas rester inhumés dans un lieu prééminent d’accès public, autre qu’un cimetière ». Le gouvernement a proposé à la famille de transférer ses restes dans la crypte, ce qu’elle a refusé.

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Source: Le Monde