La fièvre de l’hydrogène " vert " gagne l’Espagne
Un entrepôt de nitrate d’ammonium du complexe industriel Fertiberia à Puertollano, dans le centre de l’Espagne, le 28 mars 2023. BERNAT ARMANGUE / AP
Un nuage de pollution ocre enveloppe le pôle pétrochimique de Puertollano, ville industrielle de 45 000 habitants perdue à mi-chemin entre Madrid et Séville, au milieu des vieux moulins de Castille-La Manche. A quelques kilomètres de là, Miguel Angel Fernandez arpente avec enthousiasme les couloirs blancs du Centre national de l’hydrogène (CNH2), joue le guide dans un laboratoire où s’affaire un jeune chercheur et pose fièrement devant l’imposant prototype d’électrolyseur que renferme l’édifice.
Depuis 2011, il dirige cet organisme public détenu à parts égales par la région et le ministère des sciences espagnol. « Nous avons démonté nos centrales à charbon et décidé de ne pas prolonger la vie de nos centrales nucléaires : nous avons choisi un chemin exclusivement avec l’hydrogène vert, explique avec conviction cet ingénieur. Et nous serons les premiers à laisser aux prochaines générations une planète plus propre que celle que nous avons trouvée. »
Comme de nombreux habitants de Puertollano, son grand-père travaillait dans les mines de houille, qui, entre 1873 et 1975, ont fait de cette ville sans charme l’un des principaux centres industriels d’Espagne. Son père a, quant à lui, intégré le pôle pétrochimique construit en 1966 par le régime franquiste et qui a pris le relais de l’extraction de charbon comme principale activité de la commune.
Peu efficiente et coûteuse
A présent, la ville est surnommée « capitale espagnole de l’hydrogène vert ». Non seulement elle abrite le siège du CNH2, dont le rôle est d’offrir conseil et accompagnement aux entreprises, de plus en plus nombreuses, décidées à investir dans cette énergie. Mais c’est aussi, depuis un an, la plus grande usine de production d’hydrogène renouvelable à usage industriel d’Europe.
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Construite par la compagnie d’électricité Iberdrola, elle est la figure de proue de ce virage. Grâce à un partenariat avec le leader espagnol des fertilisants Fertiberia, cette usine doit permettre de décarboner la production d’engrais de son site de Puertollano. Fertiberia fournit l’eau. Iberdrola l’utilise pour produire l’hydrogène par électrolyse, en scindant les molécules d’eau en hydrogène et en oxygène. L’électricité nécessaire au processus provient d’une centrale photovoltaïque construite à une dizaine de kilomètres de là. D’une capacité de 100 mégawatts (MW), celle-ci est dotée de quatre unités de batterie ion lithium capables de stocker 20 mégawattheures (MWh).
Toutefois, la production de cet hydrogène dit « vert » est encore peu efficiente et très coûteuse – entre deux et trois fois plus chère que celle de l’hydrogène « gris », c’est-à-dire produit à partir de gaz naturel. « Cette usine nous sert d’apprentissage, un peu comme lors de l’essor des énergies renouvelables : nous avions été pionniers et cela a été un avantage technologique que nous avons conservé et qui nous a permis de nous imposer en Espagne et en Europe », souligne Javier Plaza de Agustin, responsable de gestion de l’énergie du département d’hydrogène vert d’Iberdrola, en arpentant le site flambant neuf, situé en bordure du pôle pétrochimique.
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Source: Le Monde