L’inscription du Groupe Wagner sur la liste des organisations terroristes pourrait ouvrir la voie à " des sanctions plus importantes "

May 10, 2023
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Vidéo extraite d’un document publié le 5 mai 2023 sur le compte Telegram du service de presse de Concord, une société liée à Evgueni Prigojine, le chef du groupe mercenaire russe Wagner. Sur cette image, celui-ci s’adresse aux hauts gradés de l’armée russe devant des combattants de Wagner, dans un lieu non divulgué. AFP PHOTO / TELEGRAM CHANNEL OF CONCORD GROUP

C’est sous les yeux de l’ambassadeur d’Ukraine en France, Vadym Omelchenko, que l’Assemblée nationale a adopté, mardi 9 mai, dans un rare consensus, une résolution demandant à la France et à l’Union européenne (UE) d’inscrire le groupe militaire privé russe Wagner sur la liste des organisations terroristes. Porté par le député Renaissance Benjamin Haddad, président du groupe d’amitié France-Ukraine, le texte lance un appel aux autorités françaises et européennes pour qu’elles « renforcent considérablement leur coopération et leurs instruments judiciaires, financiers, pour faire la lumière sur cette organisation tentaculaire et opaque ». La résolution n’a aucune valeur contraignante, mais la ministre des affaires étrangères, Catherine Colonna, a appelé les députés à ne « pas sous-estimer l’importance symbolique d’une telle désignation, ni le caractère dissuasif qu’elle pourrait avoir vis-à-vis des Etats qui seraient tentés par un recours » à Wagner.

Pour Clémence Bectarte, avocate de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), qualifier Wagner de groupe terroriste « pourrait ouvrir la voie à des sanctions plus importantes et, dans certains pays, à des poursuites judiciaires sur la base de charges pour terrorisme ». Mais « est-ce que cela va les empêcher d’agir ? », s’interroge l’avocate. « Symboliquement, c’est important, estime quant à elle Jelena Aparac, ancienne membre du groupe des experts de l’ONU sur le mercenariat, mais l’impact sera très limité. Cela n’empêchera sans doute pas Wagner de continuer à exister et à commettre des crimes. »

En République centrafricaine, au Mali, en Ukraine, en Syrie, partout où ils passent, les hommes de Wagner sont suspectés de se rendre coupables d’actes de torture, de viols et d’exécutions sommaires. Si la Russie avait initialement nié tout lien avec les mercenaires, Evgueni Prigojine, le patron de Wagner, qui doit à Vladimir Poutine son ascension, a cessé de cacher ses liens avec le pouvoir russe. Néanmoins, lors des commémorations de la victoire de la Grande Guerre patriotique contre l’Allemagne nazie, le 9 mai, le chef de Wagner a de nouveau fustigé, depuis l’Ukraine occupée, les responsables militaires de son pays, avec lesquels il est en opposition déclarée depuis des mois.

« Des structures complexes »

En 2018, l’armée s’était opposée à une légalisation des sociétés militaires privées, interdites en Russie. A l’époque, des vétérans se plaignaient de ne pas bénéficier du statut d’anciens combattants, ou de l’absence de compensations pour les familles de ceux d’entre eux qui avaient été tués au combat. Avec l’invasion de l’Ukraine, les liens entre Wagner et le pouvoir se sont clarifiés, et en novembre 2022 le Parlement européen a qualifié la Russie d’« Etat parrain du terrorisme », puis demandé aux Vingt-Sept de placer l’organisation sur la liste des entités terroristes. Seule la Lituanie a pour l’instant franchi ce pas. Au Royaume-Uni, le Parlement a conduit une enquête et doit encore se prononcer. Les Etats-Unis ont préféré le label d’« organisation criminelle transnationale ». Pour l’avocat britannique Jason McCue, ces hésitations s’expliquent : « Si Wagner est une organisation terroriste, alors cela signifie que l’Etat russe sponsorise le terrorisme, et je pense que pour certains [Etats], il est difficile, politiquement, de franchir cette étape. »

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Source: Le Monde