" Inaction climatique " : le Conseil d’Etat lance un nouvel ultimatum au gouvernement
C’est un nouveau coup de pression sur le gouvernement pour renforcer sa politique climatique. Et un nouvel ultimatum. Dans une décision rendue mercredi 10 mai, le Conseil d’Etat enjoint à la première ministre de « prendre toutes mesures supplémentaires utiles » afin d’assurer la « cohérence » du rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre avec les objectifs de la France. La haute juridiction administrative fixe des rendez-vous de revoyure, en demandant au gouvernement de fournir des preuves d’un redressement de la trajectoire, d’ici au 31 décembre 2023, puis au plus tard le 30 juin 2024. Le Conseil d’Etat n’a, en revanche, pas prononcé d’astreinte – en plus de l’injonction, les requérants réclamaient 50 millions d’euros par semestre de retard.
Cette décision ouvre la « saison 3 » de l’affaire dite de Grande-Synthe, le premier procès climatique en France. S’estimant particulièrement menacée par les conséquences du dérèglement climatique, la commune du Nord avait saisi le Conseil d’Etat, en janvier 2019, d’un recours visant « l’inaction climatique » de la France. Après une première décision en novembre 2020, la juridiction avait donné en juillet 2021 jusqu’au 31 mars 2022 au gouvernement pour « infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre » afin de tenir ses objectifs. La France s’est engagée à diminuer ses émissions de 40 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, et à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, mais elle n’en prend toujours pas le chemin.
Dans son dernier rapport annuel, publié en juin 2022, le Haut Conseil pour le climat, instance indépendante mise en place par Emmanuel Macron, estimait que la réponse de la France au dérèglement climatique « progresse mais reste insuffisante », l’appelant à un « sursaut ». Depuis lors, les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 2,5 %, selon des chiffres provisoires, et se situent dans la limite autorisée de la stratégie nationale bas carbone, qui fixe les objectifs de la France pour le climat.
Efforts repoussés à plus tard
Reste que cette évolution est « tout à fait fragile », relève le rapporteur public Stéphane Hoynck. Aussi, lors de l’audience du 12 avril, il avait recommandé au Conseil d’Etat de sommer le gouvernement d’aller plus loin et plus vite. Cette baisse est, en effet, principalement liée à des éléments conjoncturels – un hiver très doux et des prix élevés de l’énergie –, a-t-il rappelé.
Et la France a repoussé une partie de l’effort à plus tard. Le gouvernement, faute d’être parvenu à respecter ses objectifs pour la période 2015-2018, a,en effet, relevé les budgets carbone, c’est-à-dire les plafonds d’émissions, pour la période 2019-2023. « Le constat que [le Conseil d’Etat faisait] en 2021 de l’insuffisance des mesures est toujours valable », a affirmé Stéphane Hoynck, rappelant que les « doutes » sur la capacité à tenir les objectifs « ne sont pas levés ». D’autant que l’Union européenne a relevé ses objectifs climatiques : elle s’est engagée à réduire ses émissions nettes d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport à 1990, contre 40 % précédemment. De sorte qu’il reviendra à la France de réviser prochainement sa cible.
Il vous reste 52.14% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Source: Le Monde