Sécheresse : près de Cannes, des propriétaires consommeraient jusqu'à "2000 mètres cubes d'eau par semaine"

May 11, 2023
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Sur la commune de Châteauneuf-Grasse, dans l'arrière-pays cannois, de riches particuliers auraient une consommation d'eau démesurée malgré les nombreuses restrictions préfectorales. Son maire s'insurge de cette situation.

Le Figaro Nice

Le maire de Châteauneuf-Grasse, dans l'arrière-pays cannois, ne comprend pas pourquoi sa commune fait tant parler d'elle ces jours-ci. Emmanuel Delmotte insiste : «Je ne suis qu'un petit maire rural !» C'est que plusieurs de ses administrés, propriétaires de résidences secondaires, ont attiré l'attention des médias locaux. Et pour cause, ils consommeraient plus d'eau en une semaine que la plupart des habitants de la commune en une année.

«Alors que la moyenne nationale pour un foyer est de 120 mètres cubes d'eau par an, ceux-là peuvent utiliser jusqu'à 2000 mètres cubes en sept jours !» assure l'édile au Figaro, insistant sur le fait que sa commune n'est pas un cas isolé et qu'il s'agit d'un «phénomène général», pour ne pas dire national. «Ceux-là» seraient pour partie, selon ses dires, des personnalités scandinaves et originaires d'autres pays étrangers, à l'instar de l'ancien président du conseil italien, Silvio Berlusconi.

Ces chiffres, le maire les tient d'un document qui lui a été communiqué à la fin de l'été dernier sur les différents gros consommateurs d'eau dans le département. «Le préfet avait demandé aux responsables des services de l'eau une liste précise sur cette question ainsi que sur le respect des arrêtés sécheresse pris pendant la saison estivale», explique-t-il. Sur Châteauneuf-Grasse, les propriétés concernées sont des domaines de 10 hectares minimum, avec piscine et arrosage automatique de la végétation. «Mais ce ne sont pas les piscines qui pompent autant d'eau. D'ailleurs, à Châteauneuf, un habitant sur deux en possède une et il ne consomme pas 2000 mètres cubes par semaine», tranche-t-il.

« J'ai plusieurs héliports privés sur ma commune. Vous pensez bien que quelqu'un qui peut se permettre de faire le plein de son hélicoptère ne va pas être incommodé de payer 1500 euros d'amende voire le double en cas de récidive » Emmanuel Delmotte, maire de Châteauneuf-Grasse

Alors qu'une partie du département des Alpes-Maritimes a été placée en niveau d'alerte sécheresse renforcée le 28 avril, Emmanuel Delmotte souhaite à tout prix éviter que de tels comportements se reproduisent cette année sur son territoire, craignant une pénurie de la ressource. De fait, la situation est déjà très inquiétante sur la commune. La Brague, qui prend source tout près de Châteauneuf-Grasse, est presque à sec. Les lavoirs et abreuvoirs de la ville ne coulent plus.

Et si le dernier arrêté préfectoral interdit d'arroser de jour comme de nuit, de remplir sa piscine ou encore de laver sa voiture ou son bateau, le maire reste quelque peu désemparé. Pour lui, les amendes auxquels s'exposent les contrevenants n'ont pas d'impact sur les riches propriétaires. «J'ai plusieurs héliports privés sur ma commune. Vous pensez bien que quelqu'un qui peut se permettre de faire le plein de son hélicoptère ne va pas être incommodé de payer 1500 euros d'amende voire le double en cas de récidive, se désole-t-il. Et puis la réponse de l'amende ne résoudra pas le manque d'eau.»

Des décisions plus radicales

Le maire espère plutôt trouver un terrain d'entente avec les propriétaires. «Je ne souhaite pas pointer du doigt une population en particulier. D'ailleurs, c'est un peu contradictoire, mais vous pouvez être un gros consommateur d'eau et un protecteur de l'environnement», poursuit-il, tiraillé. Emmanuel Delmotte relève que ceux qui veillent sur plusieurs dizaines d'hectares de nature dans leur parc privé contribuent à sauver des espèces végétales et participent à la tranquillité de la commune. «S'ils n'étaient pas là, on construirait des villas partout», pointe-t-il, fier de rappeler qu'à Châteauneuf «un tiers du territoire est en zone naturelle».

Aussi vice-président en charge du développement rural dans la communauté d'agglomération de Sophia-Antipolis (CASA), l'édile dit avoir pu échanger avec plusieurs d'entre eux. Un éditorial sur la nécessité de faire preuve de «résilience», notamment sur la consommation en eau, a aussi été publié dans le journal de la ville, traduit en anglais et en provençal.

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De manière plus générale, Emmanuel Delmotte estime que la solution pour pallier le manque d'eau repose dans la prise de décisions plus radicales. «Un jour viendra où l'on sera obligé de choisir entre une agriculture nourricière ou de loisir, comme les fleurs à parfum par exemple. A-t-on besoin d'arroser ce qui ne nous apporte rien de vital ? J'ai aussi cinq centres équestres sur ma commune. Est-ce vraiment nécessaire d'alimenter en eau autant de chevaux plutôt que les bovins par exemple ?», s'interroge-t-il.

Source: Le Figaro