" Elle n’a pas lâché l’affaire " : Élisabeth Borne à La Réunion, pour tenter de relancer la machine Matignon

May 11, 2023
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Jusqu’à ce jeudi, qui l’a vue atterrir au petit matin sur le tarmac de l’aéroport Roland-Garros à La Réunion, jamais encore Élisabeth Borne, Première ministre, ne s’était rendue dans les Outre-Mer. Elle aura donc attendu « un an après sa nomination » - un anniversaire, bien stipulé dans le communiqué de ses équipes. « Vous avez dû remarquer que j’avais eu un agenda parlementaire un peu chargé, justifie-t-elle en vol, à quelques heures de son arrivée, entourée d’épais dossiers débordants de pochettes rouges. C’est la première fois que je peux dégager un temps suffisant. »

Il n’empêche. Dans la période, ce déplacement (qui sauf énorme surprise ne passera pas par la toute proche Mayotte), comme son programme qui la conduira à parler services publics, logement, agriculture, écologie ou emploi, recèle un message subliminal : « Elle n’a pas lâché l’affaire », souffle un ministre. Impassible malgré les turbulences, sauf face à cette biographie (« La Secrète », Bérangère Bonte, Éd. de l’Archipel), qui vient de paraître. Heurtée, rouge de colère même, elle demande devant la justice que des passages concernant « sa santé, sa vie familiale ou son orientation sexuelle », explique son entourage, soient supprimés des futures éditions.

Elle ne débarque pas en terres favorables

Toujours fragilisée - et peut-être même plus que jamais - par la crise déclenchée par la réforme des retraites, le pétrin sans nom dans lequel la plonge l’absence de majorité absolue, affaiblie par la persistance de vives critiques internes, Élisabeth Borne n’entend pas baisser les armes. Elle veut rester à Matignon. Rien que l’A330 présidentiel, emprunté pour l’occasion, est une carte postale qui vous pose là. Bons baisers, à ses détracteurs.

Le ciel au beau fixe est néanmoins un leurre, la Première ministre ne débarque pas en terres favorables. On ne les voit, ni ne les entend sur le passage de son cortège, ni dans le centre-ville bouclé de Saint-Denis où elle passe les troupes en revue. Mais quelques dizaines de manifestants ont voulu donner de la voix - et des casseroles pour certains - à son arrivée. Certains s’étaient installés dès 4 heures du matin.

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À La Réunion, ce n’est pas un mal nouveau, « la vie chère » grève les comptes en banque. « Il y avait un gros sujet retraites », pointe aussi un Marcheur. Le programme, minuté, avec quasi dix rendez-vous par jour jeudi et vendredi, ne se prête guère aux pas de côté. Mais Borne se dit prête à rencontrer l’intersyndicale locale, si celle-ci le demande. À condition, stipule-t-elle, que ce soit « pour parler », « pas pour taper sur des casseroles ».

« Je cherche un chemin pour que l’on puisse avancer »

Ici, lors du premier tour de la présidentielle 2022, le candidat Insoumis Jean-Luc Mélenchon a fait un score canon (40 %), avant que Marine Le Pen ne surclasse (59,5 %) Emmanuel Macron au second. « Sans doute le signe d’une impatience sur des politiques publiques qui ne produisent pas suffisamment de résultats », estime-t-elle. L’une des toutes premières étapes de ce voyage la conduit d’ailleurs à dessein dans un « espace France service ». « C’est en apportant des réponses concrètes qu’on lutte contre les populismes », pose-t-elle. Encore faut-il le pouvoir.

Les 24 heures qui ont précédé son départ ont ainsi démontré rien n’est si simple. La cheffe du gouvernement a ainsi quitté Paris sur un énième embrouillamini autour du projet de loi immigration. « Je cherche un chemin pour que l’on puisse avancer », balaie-t-elle, après le nouveau revirement de l’exécutif. Avec un texte d’un seul bloc ou saucissonné ? Le débat continue d’agiter la majorité.

Elle se garde de dévoiler ses options. Il y a, tout de même, encore et toujours, ce sentiment que le pouvoir tâtonne… « Le président du Sénat qui nous a demandé de retirer le texte de l’ordre du jour. Et ensuite des Républicains qui nous ont dit : mais vous n’allez pas assez vite ! » renvoie-t-elle, ce qui signe aussi son humeur et ses intentions.

La crainte d’une séquence délétère

Depuis les airs, Borne distribue les mauvais points et rend les coups, donc. Elle en réserve d’ailleurs un au petit groupe d’irréductibles centristes, Liot, qui entend rayer la réforme des retraites de la carte grâce à sa proposition de loi (PPL) du 8 juin. « C’est assez irresponsable de leur part de laisser croire que leur démarche permettra de revenir sur la réforme des retraites », tranche la Première ministre, « une façon d’attirer la lumière en ne disant pas la vérité aux Français ».

D’aucuns, dans le camp macroniste, en ont néanmoins perdu le sommeil, redoutant, quoi qu’il advienne in fine de la réforme, une séquence délétère pour l’exécutif et la majorité. Piquante, la Première ministre entend bien marquer son autorité à l’endroit de ceux qui, parmi ses ministres, renâclent à faire des économies - Gérald Darmanin est de ceux-là, comme l’a révélé Le Canard enchaîné.

Source: Le Parisien