OL : Arbitres, Covid, Twitter… Sur les traces de la légendaire mauvaise foi de Jean-Michel Aulas

May 12, 2023
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Depuis lundi et l’annonce de son départ, les louanges pleuvent. Elles sont méritées, Jean-Michel Aulas restera comme l’un des plus grands présidents de l’histoire du football français. D’un club qui végétait en D2, l’OL s’est mué en véritable place forte jusqu’en Europe, avec sept titres de champion consécutifs et deux demi-finales de Ligue des champions.

JMA s’est également taillé une belle réputation de virtuose de la mauvaise foi. Une caractéristique qui a contribué à forger ses succès mais dans laquelle il s’est parfois perdu, quitte à écorner son image, comme lorsqu’il sous-entendait grossièrement que le Bayern et Schalke étaient dopés en 2010 ou qu’il minimisait la gravité des incidents ayant conduit à l’arrêt du match entre l’OL et l’OM en 2021. Des exemples parmi tant d’autres. A défaut de les compiler, nous en avons choisi cinq où le désormais ex-patron lyonnais s’est laissé dépasser par son double diabolique, Jean-Michel Mauvaise Foi.

L’art de la polémique arbitrale

Le contexte

Chercher toutes les fois où le boss lyonnais a fait part de son exaspération envers les arbitres relève de la gageure. Tous ceux qui ont officié ces 30 dernières années y sont passés, que ce soit devant la porte de leur vestiaire, via les médias ou directement sur Twitter pour les plus jeunes. Quelques exemples ? « Le manque de cohérence gênant » de M. Dechepy sur un OL-Lorient en 2021, « l’aberration » d’un penalty accordé à Neymar par M. Turpin un peu plus tôt, les « grosses erreurs » de M. Gautier face à l’OM en 2019 ou, plus ancien, M. Thual qui « ne peut pas arbitrer à ce niveau-là et ne pas connaître la personnalité des joueurs » après avoir exclu Källström en 2007. Sans oublier les multiples appels à « une explication » adressés à Pascal Garibian (patron des arbitres de 2013 à 2022), comme probablement à ses prédécesseurs. En vrai, ça nous manquera.

Le témoin : Bruno Derrien, arbitre de Ligue 1 de 1995 à 2007

« C’est un personnage qui ne peut pas laisser indifférent. Une vraie personnalité. Il avait des formules ciselées, et pas seulement à l’égard des arbitres d’ailleurs. Il était dans son rôle de défendre son club avant tout, c’est viscéral chez lui. Il a compris avant tout le monde que la communication était importante, donc il ne laissait rien passer. En tant qu’arbitre, on savait qu’il faisait exprès de se mettre en première ligne pour protéger ses joueurs, son entraîneur ou l’institution. Il ne fallait pas accorder trop d’importance à ce qu’il disait, prendre du recul. De manière générale les critiques s’abattent en permanence sur les arbitres, il faut être hermétique à tout ça sinon on ne vit plus. Lui avait ce côté impulsif, dans l’instant présent, mais dans le fond ses relations avec les arbitres étaient bonnes. »

Le jour où Aulas a fait constater la pelouse cabossée de d’Ornano par un huissier

Le contexte

Le 4 mars 2005, l’OL se déplace sur la pelouse du SM Caen, ou plutôt ce qu’il en reste. Pour le coach Paul Le Guen et son président, il est hors de question de jouer dans une tranchée. Alors, pour faire reporter le match, Aulas invite un huissier à constater l’état de la pelouse. L’officier a beau mettre le museau dans la boue et hocher la tête pour signifier que, oui, tout de même, il est sacrément amoché ce terrain, le match aura lieu sur volonté de l’arbitre. L’OL perdra 1-0, ce qui vaudra à JMA de piquer une grosse colère au micro de Canal+. « Sur ce terrain, il y avait plus de mottes de terre retournées que de bouts d’herbe. […] L’arbitre s’est entêté sous la pression amicale des Caennais. On a perdu, la France du football doit être contente. »

Le témoin : Regis Duchemin, ancien jardinier de Caen

« En tant que jardinier, ça a été un de mes pires moments. Le terrain était en piteux état à la suite d’une dégradation qui avait commencé à l’automne et n’avait fait qu’empirer. Il avait plu beaucoup et le terrain était complètement défoncé. Un vrai champ de patates. On ne pouvait gagner que sur un terrain comme ça ! Aulas avait fait constater l’état de la pelouse. On avait gagné 1-0 donc on s’était un peu attiré ses foudres. Mais bon, à l’époque, c’était le quotidien d’Aulas. Comme l’OL gagnait tout, dès qu’il y avait un caillou dans la chaussure, il montait sur ses grands chevaux. En tout cas, moi, je n’ai eu de comptes à rendre à personne. Après ça, on a refait la pelouse l’été suivant. »

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L’arrêt du championnat 2019-2020 à cause du Covid-19

Le contexte

Mars 2020, la France, comme tous les pays du monde, est en urgence sanitaire à cause du Covid-19. « En guerre », même, selon le président Macron, qui confine tout le monde. Le 28 avril, le Premier ministre Edouard Philippe évoque la Ligue 1 devant l’Assemblée nationale : « La saison 2019-2020 de sport professionnel, notamment de football, ne pourra pas reprendre », assène-t-il. Toute la Gaule se range derrière cette sage décision. Toute ? Non, un irréductible président de club se met en résistance : Jean-Michel Aulas, alors que l’OL est 7e et hors des places européennes. Le dirigeant, qui a proposé environ 83 idées pour terminer la saison ou établir un classement plus équitable à ses yeux (saison blanche, classement établi sur les dernières saisons, play-offs pour l’Europe et les descentes) prend très mal les refus et entre en guerre ouverte contre la FFF, la LFP et même le gouvernement.

Le témoin : Un ancien membre de la Ligue de football professionnel

« J’ai été très surpris qu’il mène cette bataille. Avant l’annonce d’Edouard Philippe, on avait travaillé sur un protocole santé, mais à partir du moment où le Premier ministre dit stop, ce n’est plus discutable. On a tout fait pour pouvoir reprendre le championnat et Jean-Michel Aulas le savait très bien puisqu’on avait établi ce protocole avec Emmanuel Orhant, le directeur médical de la Fédération et ancien de l’OL. Mais c’est un peu son problème, dans ces cas-là il est dans le déni. Quand il est comme ça, si vous lui dites que cette bouteille est bleue, il va vous dire non, elle est jaune. C’est impossible de le raisonner, c’est comme s’il était dans une sorte d’ivresse de déraison. Il y a quelque chose qui ne monte plus au cerveau. Il savait très bien que c’était perdu d’avance, et je suis sûr que ses avocats le lui ont répété, mais il ne voulait pas s’arrêter. Il était comme aveuglé. Il est passionné, mais à ce niveau-là ce n’est plus la passion, c’est de la déraison. »

Jean-Michel Aulas, Twitter et « le Café du Commerce »

Le contexte

Arrivé en grande pompe sur Twitter au début de la décennie précédente, Jean-Michel Aulas a dans un premier temps attendri les foules par son côté boomer connecté. Il répond au plus anonyme de ses fidèles/détracteurs dans un style anarchique, où la ponctuation n’est qu’une option. Tout le monde rigole, jusqu’au jour où le déclin lyonnais va trop loin, au point de faire perdre patience à ses supporteurs, pour beaucoup des twittos à la peau dure. Aulas répond toujours, mais sur la défensive. L’oiseau bleu sert de projecteur à une mauvaise foi mise au service de l’institution et des entraîneurs en place. Son soutien infaillible à Bruno Genesio, notamment, causera des dissensions irréversibles avec les « supporteurs Twitter » de Lyon.

Le témoin : Charly Moriceau, alias « Serious Charly »

« Le divorce avec Aulas commence en 2017 avec la naissance du fameux ''Café du commerce'', une expression utilisée par Bruno Genesio en conférence de presse. C’est le moment où les supporteurs des réseaux commencent à être en opposition avec le club, et le début d’une ligne de défense dans laquelle le club avait décrété que les vrais supporteurs étaient ceux qui soutenaient l’OL, par opposition aux autres, plus critiques : les méchants supporteurs. Il y a eu des trucs absurdes comme une interview d’Aulas dans L’Equipe qui dit en gros que des supporteurs qui habitent Paris influencent les plus jeunes et sont en mission en sous-main au service du PSG. Aulas a fini par appliquer la ligne de défense au niveau national du ''seul contre tous, l’OL dérange, etc.'' en interne. Il a fabriqué un désamour autour de lui à cause de ça. C’est un grand président mais un mauvais gestionnaire de crise. »

Jean-Michel Content. - Mourad ALLILI/SIPA

Quand Jean-Michel Aulas flingue L’Equipe

Le contexte

Dans l’échelle des réactions épidermiques d’Aulas, il y a le petit tacle mignon sur les réseaux et le gros coup de bâton via communiqué. La seconde option est un privilège réservé aux hautes sphères, dont fait partie le journal L’Equipe, égratigné à plusieurs reprises. Deux épisodes majeurs à retenir. Une lettre ouverte en 2010, en réaction à un article qui faisait état du mépris de Cris pour son entraîneur, Claude Puel (« il est nul »). Plus récemment, en 2020, Jean-Michel Aulas adresse une lettre incendiaire au quotidien, coupable d’avoir publié un article sur l’effritement de la réputation de JMA pendant la période Covid-19. Elle sera publiée dans L’Equipe sous forme de droit de réponse et doublée de critiques appuyées sur les réseaux. Le conflit s’essoufflera après publication d’un ultime édito, signé par le directeur des rédactions de L’Equipe, Jérôme Cazadieu.

Le témoin : Régis Dupont, journaliste à « L’Equipe »

« Le jour où ce papier est publié sur le site, vers 19-20 heures, je m’étais étonné de n’avoir aucune réponse d’Aulas, comme c’était habituel. J’ai finalement reçu un coup de fil d’Olivier Blanc [directeur de la communication], particulièrement remonté. Ils avaient vu des sous-entendus là où il n’y en avait pas et pris de manière personnelle un article où je n’avais fait que relater le sentiment de beaucoup de présidents de clubs en L1. Le lendemain, JMA a envoyé la grosse cavalerie avec ce communiqué où mon nom est balancé sur le site de l’OL. C’était assez malsain. Je continue quand même de penser que c’est le plus grand président que le football français ait connu. Ce qui est étonnant est qu’il entretient un rapport de force avec les médias justement parce que la presse est importante pour lui. Dans une autre vie, il aurait pu être journaliste. C’était l’un des derniers présidents à avoir un vrai rapport avec nous et c’était appréciable. »

Source: 20 Minutes