" La concurrence fait doucement son entrée dans les transports publics de la région parisienne "
Une machine de forage sur le chantier de la ligne de métro 17 du Grand Paris Express, à Bonneuil-en-France (Val-d’Oise), le 18 septembre 2020 LUDOVIC MARIN / AFP
Cette rivalité vient de loin. C’est pour ne pas dépendre de l’administration des chemins de fer de l’Etat que la Ville de Paris crée, en 1883, sa propre société, avec l’aide du baron belge Edouard Empain, pour construire le métro parisien. Cent quarante ans plus tard, la SNCF devrait décrocher son premier métro parisien au nez et à la barbe de la RATP, lointaine héritière de la première société parisienne.
La société nationale, par l’intermédiaire de sa filiale Keolis, devrait être déclarée attributaire de l’exploitation des futures lignes 16 et 17 du métro automatique du Grand Paris qui relieront Saint-Denis à Noisy-Champs pour l’une, et à l’aéroport Charles-de-Gaulle et Le Mesnil-Amelot pour l’autre. Ce sont les deux premières lignes du Grand Paris Express à être attribuées par concession. Elles entreront respectivement en service à partir de 2026 et 2028. Ce sera donc la première concrétisation de l’immense chantier du Grand Paris et ses 35 milliards d’euros d’investissements sur plus de vingt ans.
Sous l’égide d’Ile-de-France Mobilités, la concurrence fait donc doucement son entrée dans les transports publics de la région parisienne. Déjà, des sociétés privées exploitent des bus en grande couronne, et des appels d’offres sont en cours. Le symbole est fort et il n’a pas échappé à la conseillère régionale Céline Malaisé (Parti communiste).
Conquête de nouveaux marchés
Celle-ci a réagi assez vigoureusement à la nouvelle en « ne souhaitant pas la bienvenue au premier exploitant privé du métro ». Son groupe votera contre l’attribution de ce marché à Keolis. Aux yeux des communistes, Keolis est une société privée, car ses employés ne sont pas fonctionnaires, et la SNCF n’en détient que 70 %, le reste étant aux mains de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Comme cela est déjà le cas pour de nombreux autres services municipaux et régionaux, du train à la gestion de l’eau ou des poubelles, la concurrence s’installe, y compris au sein de l’Etat. Pour s’y préparer, les deux entreprises sont parties à la conquête de nouveaux marchés, en France et à l’étranger. Keolis exploite entre autres le métro de Lyon ou des lignes à Londres et Shanghaï, la RATP, fait de même à Riyad et Sydney.
La bagarre ne fait que commencer puisque les lignes de bus d’Ile-de-France seront soumises à appel d’offres d’ici à 2024. Et la RATP compte bien effacer l’affront avec la ligne 18 du Grand Paris, plus bourgeoise (Versailles-Orly) et très convoitée. Des marchés désormais bien plus juteux et attractifs que ceux des trains à grande vitesse. Changement d’ère.
Source: Le Monde