Crimes de guerre ou contre l’humanité : la Cour de cassation consacre la compétence universelle de la France

May 12, 2023
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Un précédent arrêt de la Cour de cassation remettant en cause la compétence universelle de la justice française avait provoqué un séisme dans le monde judiciaire et des organisations de défense des droits de l’homme. FRED DE NOYELLE/GODONG/PHOTONONSTOP

Des étrangers pourront-ils encore être poursuivis en France pour des crimes contre l’humanité, des actes de torture ou des crimes de guerre perpétrés ailleurs dans le monde sur d’autres étrangers ? Telle est la question, cruciale, à laquelle devait répondre vendredi 12 mai la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire.

Saisie dans deux affaires concernant des ressortissants syriens, la Cour de cassation a confirmé la « compétence universelle » de la justice française pour juger de tels actes.

⚖ [Communiqué] La Cour reconnaît à la justice française une « compétence universelle » dans deux affaires qui conce… https://t.co/BuVhQz4Nbn — Courdecassation (@Cour de cassation)

La crainte d’un séisme pour le monde judiciaire

En novembre 2021, la Cour, déjà saisie du dossier d’Abdulhamid Chaban, avait estimé que la justice française était incompétente dans cette affaire, invoquant le principe de la « double incrimination » prévu dans la loi du 9 août 2010 : les crimes contre l’humanité et crimes de guerre doivent être reconnus dans le pays d’origine d’un suspect que la France entend poursuivre. Or la Syrie ne reconnaît pas ces crimes et n’a pas ratifié le statut de Rome qui a créé la Cour pénale internationale.

La cour d’appel avait ainsi rejeté la demande du ressortissant syrien, qui par la suite, a formé un pourvoi. La chambre criminelle de la Cour de cassation, qui considérait que la justice française n’était pas compétente, avait cassé la décision de la cour d’appel.

Cet arrêt avait provoqué un séisme dans le monde judiciaire et des organisations de défense des droits de l’homme. La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), partie civile, avait fait opposition pour un motif procédural, permettant le retour de l’affaire devant la Cour de cassation.

Il suffit « que la législation étrangère punisse ces actes comme infraction de droit commun tels le meurtre, le viol ou la torture »

Dans le cas de Majdi Nema, ancien porte-parole du groupe rebelle Jaych Al-Islam (Armée de l’Islam), arrêté en janvier 2020 à Marseille où il effectuait un séjour d’études, la cour d’appel de Paris a maintenu sa mise en examen en avril 2022, estimant que la loi syrienne prévoyait « par équivalence » plusieurs crimes et délits de guerre définis dans le code pénal français.

La Cour de cassation a suivi vendredi cette position, revenant donc sur celle précédemment adoptée dans le cas Chaban. « Pour qu’il y ait double incrimination, il n’est pas nécessaire que les faits relevant en France des infractions de crime contre l’humanité ou de crime de guerre soient qualifiés de manière identique par les lois du pays étranger », a-t-elle tranché vendredi.

Il suffit « que la législation étrangère punisse ces actes comme infraction de droit commun tels le meurtre, le viol ou la torture ». Les deux pourvois ont donc été rejetés, permettant aux deux informations judiciaires de se poursuivre.

Le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, avait préconisé le rejet des pourvois, appelant à une « interprétation souple » de la double incrimination et à ce que la compétence universelle ne devienne pas « lettre morte ». Il avait souligné qu’actuellement, le pôle crimes contre l’humanité travaillait sur trente zones géographiques et que les dossiers liés à seize de ces zones, parmi lesquelles la Syrie, la Russie ou encore l’Ukraine, pourraient être remis en cause si la justice française était déclarée incompétente.

Le Monde avec AFP

Source: Le Monde