Dans les villages de RDC ravagés par des glissements de terrain : " Nous sommes foutus, abandonnés, sans aucune assistance "

May 12, 2023
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Des cercueils après les inondations à Nyamukubi, dans l’est de la République démocratique du Congo, le 9 mai 2023. GUERCHOM NDEBO / AFP

Rurahi Buhoro camoufle brusquement son nez et sa bouche sous un pagne. En face de sa maisonnette en bois, six membres de la Croix-Rouge congolaise portent à bout de bras un large sac plastique blanc scellé et entrent dans l’ancienne école transformée en morgue temporaire, dans le village de Bushushu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Le corps dégage une odeur insupportable. Il pourrait être l’un des proches que Rurahi a perdus jeudi 4 mai. Ou bien l’un des parents de la nuée d’enfants qui observent le ballet des enveloppes mortuaires.

Une semaine après que les inondations et les torrents de boue ont ravagé plusieurs villages dans la zone, sur la rive occidentale du lac Kivu, l’identification des victimes est devenue presque impossible. « Les cadavres se dégradent chaque jour qui passe, explique Désiré Yuma Machumu, président provincial de la Croix-Rouge du Sud-Kivu. Nous pensons que les recherches se termineront en fin de semaine », poursuit-il.

Tous les disparus n’ont pourtant pas été retrouvés. Loin de là. Mais les moyens logistiques manquent et les secouristes, à bout de forces, ne sont pas rémunérés. Dimanche 7 mai, le chiffre de 400 décès a été dépassé. Depuis, les habitants semblent avoir arrêté de compter. Plus personne ne s’accorde sur le nombre de victimes ou de survivants. Environ 200 personnes restent disparues selon les autorités, plusieurs milliers selon des associations locales. Au cimetière improvisé à l’entrée de Bushushu, l’un des villages sinistrés, les tombes continuent d’être creusées.

Sur l’artère principale, un jeune homme jette des cailloux sur les passants. Il a les yeux révulsés et le regard vide. « Ce petit a perdu la tête parce que toute sa famille est morte dans les éboulements, lance Papa Justin Kassole Machanga Tchilinga, l’un des habitants de Bushushu. Tout le monde ici est traumatisé », ajoute-t-il en se faufilant parmi la foule. Dans des files d’attente interminables, les rescapés s’impatientent. Le Programme alimentaire mondial a lancé, mercredi, la première distribution humanitaire depuis le drame : des biscuits « à haute valeur énergétique ».

Du sang sort de la terre

Les vivres que les autorités congolaises ont promis d’envoyer ne sont pas encore arrivés jusqu’à la population. Kinshasa, qui a rapidement décrété une journée de deuil national lundi, a également annoncé que 1 000 dollars seraient distribués à 200 ménages touchés. Mais, à part quelques dotations symboliques, l’essentiel des familles n’a encore rien reçu et manque toujours de tout.

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Source: Le Monde