Crimes de guerre et contre l’humanité : la compétence universelle de la justice française confirmée

May 12, 2023
430 views

Abdulhamid Chaban, 34 ans, originaire d’Alep en Syire. Au cabinet de ses avocats, à Paris, le 13 avril 2022. JULIEN DANIEL/MYOP POUR « LE MONDE »

C’est une victoire historique pour les partisans de la compétence universelle de la justice française. La Cour de cassation a confirmé, vendredi 12 mai, la possibilité de poursuivre les auteurs étrangers de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis hors de France sur des ressortissants étrangers. « La Cour reconnaît à la justice française cette “compétence universelle” dans deux affaires qui concernent la Syrie », a indiqué dans un communiqué la plus haute juridiction judiciaire, qui a rendu deux arrêts précisant les conditions selon lesquelles la justice française était compétente.

La Cour de cassation avait été saisie de pourvois de deux Syriens, qui demandaient l’annulation des poursuites à leur encontre : l’un déposé par Abdulhamid Chaban, un ancien soldat arrêté en France et mis en examen pour « complicité de crimes contre l’humanité » en février 2019, et l’autre par Majdi Nema, ancien porte-parole du groupe rebelle syrien Jaych Al-Islam (Armée de l’islam), poursuivi pour « torture » et « crimes de guerre ». Jaych Al-Islam est soupçonné d’avoir enlevé, détenu et torturé l’avocate des droits humains Razan Zaitouneh, le cofondateur des comités locaux de coordination de la révolution syrienne Wael Hamada, et leurs collègues Samira Al-Khalil et Nazem Al-Hammadi.

En novembre 2021, la Cour de cassation, déjà saisie du dossier Chaban par ses avocats, avait estimé que la justice française était incompétente dans cette affaire, invoquant le principe de la « double incrimination » prévu dans la loi du 9 août 2010, qui inscrit la compétence universelle dans le droit français : les crimes contre l’humanité et crimes de guerre doivent être reconnus dans le pays d’origine d’un suspect que la France entend poursuivre. Or, la Syrie ne reconnaît pas ces crimes et n’a pas ratifié le statut de Rome qui a créé la Cour pénale internationale. Longuement rencontré par Le Monde, Abdulhamid Chaban conteste formellement avoir participé à des crimes contre l’humanité.

Cet arrêt avait provoqué un séisme dans le monde judiciaire et des organisations de défense des droits de l’homme. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), partie civile, avait fait opposition pour un motif procédural, permettant le retour de l’affaire devant la Cour de cassation.

Trancher définitivement la question

Dans le cas de Majdi Nema, arrêté en janvier 2020 à Marseille où il effectuait un séjour d’études, la cour d’appel de Paris a maintenu sa mise en examen en avril 2022, estimant que la loi syrienne prévoyait « par équivalence » plusieurs crimes et délits de guerre définis dans le code pénal français. Il s’agissait d’un arrêt dit « de rébellion », contredisant l’interprétation de la Cour de cassation dans l’affaire Chaban.

Il vous reste 56.75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source: Le Monde