Tesla, Dacia, MG : les voitures électriques " made in China " bientôt privées de bonus écologique ?
Deux voitures que tout oppose sont au coude-à-coude en tête du classement des ventes d’automobiles électriques en France, sur les quatre premiers mois de l’année. Le SUV premium Tesla Model Y et la citadine à bas coût Dacia Spring se sont écoulés à environ 10 000 exemplaires chacun et pèsent, ensemble, un quart du marché électrique neuf dans l’Hexagone.
Ce duo n’enchante guère les chantres du « fabriqué en France » : les deux modèles sont construits en Chine et ils peuvent profiter du bonus écologique allant jusqu’à 5 000 euros (7 000 euros pour les ménages les moins aisés). Le cumul des aides de l’État en leur faveur peut ainsi être estimé à 100 millions d’euros depuis début 2023 et finance donc du « made in China ».
Une position difficilement tenable pour Emmanuel Macron, lancé dans une opération réindustrialisation du pays. Il a, de fait, annoncé une grande réforme du bonus écologique, jeudi. Les modalités précises seront définies d’ici à la fin de l’année mais le chef de l’État a déjà fait entendre qu’elles prendront « en compte l’empreinte carbone de la fabrication » des véhicules et doit donc favoriser ceux construits en Europe. « Cela ne veut pas dire qu’on fait du protectionnisme mais on ne veut pas utiliser l’argent du contribuable français pour accélérer l’industrialisation non européenne », a justifié Emmanuel Macron, appelant à ne « pas répéter les erreurs » commises avec l’industrie photovoltaïque, dominée par les Chinois.
L’usine Tesla de Berlin monte en régime
Les modèles fabriqués en Chine devraient donc être pénalisés car ce pays s’appuie encore, en bonne partie, sur le charbon pour produire son énergie. Avec de lourdes conséquences sur le prix d’achat des voitures concernées. Si le bonus venait à disparaître pour la Dacia Spring en 2024, son prix se monterait à 20 800 euros, contre 15 800 euros aujourd’hui. De quoi refréner les ardeurs d’acheteurs au budget limité… Pour le Model Y de Tesla, la version d’entrée de gamme « Propulsion » s’échangerait donc contre un chèque de 45 990 euros : plus du tout une bonne affaire… Le modèle phare de la marque chinoise MG, la MG4, tutoierait, elle, les 30 000 euros et verrait sans doute son élan vers les sommets des ventes stoppé net…
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L’enjeu lié au surcoût de la Spring resterait « marginal », a toutefois nuancé le PDG de Renault. « Pensez à la Mégane, aux Alpine. Ce sont les 700 000 véhicules que l’on va fabriquer dans le Nord », a lancé Jean-Dominique Senard, sur France Inter, vendredi.
Chez Tesla, le problème pourrait se régler grâce à la gigafactory de Berlin, qui a commencé, selon les observateurs, à produire des Model Y Propulsion, en parallèle des versions plus haut de gamme non éligibles au bonus, car dépassant les 47 000 euros. Le constructeur MG, réfléchit, lui, à implanter une usine en Europe.
Bientôt des usines de batteries en France
Même les voitures électriques fabriquées en France ont encore des progrès à faire. La Renault Zoe est, certes, produite dans l’usine de Flins-sur-Seine, en région parisienne, mais elle est, pour l’instant, équipée de batteries LG fabriquées en Pologne, pays très dépendant des énergies fossiles. Même chose pour la Renault Megane E-Tech. La DS 3 E-Tense, assemblée dans l’usine Stellantis de Poissy, fonctionne, elle, grâce à une batterie dont les cellules sont chinoises, fournies par l’équipementier CATL…
Des usines de batteries en projet en France devraient prendre le relais, mais ce n’est pas pour tout de suite. Celle du Sino-Japonais Envision AESC, près de l’usine Renault de Douai (Nord), n’entrera en activité qu’en 2025 et alimentera la future Renault 5 électrique. L’unité de ACC (coentreprise de Stellantis, TotalEnergies et Mercedes-Benz) doit ouvrir avant la fin de l’année 2023 à Douvrin (Pas-de-Calais), mais il faudra ensuite attendre plusieurs mois pour qu’elle monte en charge.
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Face à ces changements tous azimuts, il y a tout lieu de penser que le futur bonus écologique prendra des airs d’usine à gaz, d’autant plus qu’il doit prendre en compte l’intégration de matériaux recyclés ou biosourcés dans la production des véhicules, selon le ministère de l’Économie. « Les constructeurs devront donc justifier qu’ils respectent ces critères écologiques requis pour pouvoir bénéficier du bonus écologique », a précisé un porte-parole du ministère. Et pour faire taire les critiques, Bercy dit avoir déjà élaboré un modèle permettant d’évaluer l’empreinte carbone de la fabrication d’un véhicule, « de la batterie à la construction du moteur ».
Source: Le Télégramme