" A la hausse, le sucre navigue à contre-courant des autres matières premières agricoles "

May 13, 2023
239 views

La poudre blanche transmutée en or… Les alchimistes des marchés ont encore frappé. Capables de souffler sur le plus petit départ de fumée, ils ont embrasé les échanges sucriers. A New York, la livre de sucre brut se négocie actuellement à près de 26 cents. Et à Londres, il faut débourser plus de 700 dollars (644 euros) pour s’offrir une tonne de sucre blanc. Des niveaux de prix qui n’avaient pas été atteints depuis une douzaine d’années. Sucre, le goût du lucre…

Déjà avant Noël, les cristaux de saccharose scintillaient, passant la barre des 20 cents la livre. Depuis, la montée de glycémie rapide des cours a poursuivi son petit bonhomme de chemin. Cette envolée a d’ailleurs entraîné un rebond des prix alimentaires mondiaux en avril. L’indice établi par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), à partir d’un panier de denrées de base, a progressé de 0,6 % par rapport à mars. En cause : une augmentation du prix du sucre de 17,6 % sur cette période. Alors même que les cours du blé et de l’huile continuaient de refluer.

Le sucre navigue donc à contre-courant des autres matières premières agricoles. Pour expliquer cette singularité, François Thaury, directeur du marché sucre chez Agritel, évoque « la ruée des acheteurs sur les marchés depuis un mois et demi. Des acheteurs qui estimaient que les prix présentaient un potentiel à la baisse et qui avaient un peu négligé leur couverture ». Il évoque également l’évolution de l’estimation de la balance sucrière mondiale. L’excédent attendu, estimé à 4 ou 5 millions de tonnes, a fondu comme poudre blanche au soleil.

Spectre d’El Niño

Les spéculateurs anticipent également les mauvaises nouvelles sur les futures récoltes. Or, le spectre d’El Niño plane à nouveau dans les bulletins de prévision et obscurcit l’horizon. Ce phénomène météorologique provoque une surchauffe des eaux du Pacifique et peut entraîner sécheresse en Inde comme en Thaïlande et fortes pluies au Brésil. Un mauvais film pour le sucre de canne. Mais le script n’est pas encore écrit.

En attendant, la nouvelle récolte a débuté au Brésil. A priori, sans trop de souci dans ce pays. « La production est attendue à 38, voire 40, millions de tonnes contre 35 millions de tonnes lors de la précédente campagne », précise M. Thaury. La patrie de Pelé espère ainsi redevenir championne du monde des producteurs de sucre et retrouver sa couronne un temps chipée par l’Inde.

En France, la filière sucrière continue à perdre du terrain. Au printemps, les agriculteurs ont semé 380 000 hectares de betteraves, soit un nouveau rétrécissement des champs de 5 %. Ils ont préféré miser sur le blé ou le colza. Or, les cours des céréales et des oléagineux ne cessent de piquer du nez. Quand la betterave à sucre s’arrache à 800, voire à 1 100 euros la tonne sur le marché européen. Les sucriers Tereos et Cristal Union ont tout fait pour allécher les planteurs en promettant des tarifs très doux, supérieurs à 40 euros la tonne. Un sucre d’orge pour les céréaliers…

Source: Le Monde