Fusillade en Meurthe-et-Moselle : la commune de Villerupt réclame des moyens face au trafic de drogue

May 14, 2023
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Syndicats policiers et élus locaux se plaignent d’être abandonnés par l’État au lendemain de la fusillade qui a fait cinq blessés à Villerupt (Meurthe-et-Moselle). L’incident a éclaté samedi soir au pied de l’une des très rares barres d’immeuble du centre-ville de Villerupt, à proximité de l’église, d’une boulangerie et d’une maison de la presse, à moins de 300 m du commissariat. Un individu cagoulé a tiré sur un groupe de jeunes depuis un véhicule avant de prendre la fuite. Cinq personnes ont été blessées, dont trois se trouvent en urgence absolue.

Ce dimanche au petit matin, les habitants se sont réveillés groggys. Si la police scientifique a quitté les lieux, quelques traces de sang au sol témoignent encore du violent épisode de la veille. Le lieu du drame est un point de trafic très connu de la population et des autorités. Les prix des stupéfiants y sont écrits sur les murs : 80 euros le gramme de cocaïne, 60 euros les 10 g de « shit », 80 euros pour la « beuh ».

« Dernièrement, les trafiquants sortaient les chaises de camping, ils posaient les balances pour peser la drogue sur les fenêtres de nos services techniques », déplore le maire, Pierrick Spizak (PCF), âgé de 35 ans. « Ce qui est arrivé, on pouvait malheureusement s’y attendre, et ce n’est pas faute d’avoir alerté ».

Les problèmes de trafics sur le territoire sont accentués par la proximité immédiate de la Belgique et du Luxembourg, seulement à une poignée de kilomètres. « On est sur un axe Nord-Sud depuis Amsterdam, et nous sommes confrontés à un certain nombre de réalités, le trafic de drogue notamment », explique Serge de Carli (PCF), le président de la communauté de communes de Longwy. « On a des dealers qui s’installent, qui viennent pourrir la vie des habitants. On est bien seul face à tout ça ». « Les trafiquants se jouent des frontières. Ils ont compris qu’il y avait un manque de coopération entre les pays, ils naviguent, il n’y a rien de plus facile », renchérit Abdel Nahass, secrétaire zonal adjoint du syndicat Unité SGP Police FO.

Un manque criant de policiers

Parallèlement, la proximité du Luxembourg et ses salaires plus élevés attire les travailleurs, la population augmente localement : Villerupt a récemment repassé à la hausse la barre des 10 000 habitants, une première en 20 ans. Mais si les richesses sont produites au Grand-Duché, les besoins quotidiens des frontaliers s’expriment côté français, et les moyens, notamment sécuritaires, ne suivent pas.

En 2016, les circonscriptions policières de Villerupt et de Longwy, à vingt kilomètres, ont été fusionnées, à effectifs constants. Pour couvrir ce territoire élargi, un hôtel de police flambant neuf a été inauguré en janvier 2017, en remplacement du précédent, complètement vétuste. « Au moment de l’ouverture, on a eu la dotation en agents, mais ça a été très éphémère », se remémore Serge de Carli. Selon le maire de Villerupt, il manque désormais 25 agents de terrain à l’hôtel de police, par rapport à sa dotation.

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Dans ces conditions, les plaintes finissent par s’accumuler sur les étagères des commissariats. « La circonscription est trop grande, il y a besoin de renfort : le stock est énormissime, plus de 11 000 dossiers sont en attente », confirme Abdel Nahass. Le territoire pâtit également d’un manque d’attractivité aux yeux des fonctionnaires : les agents de police recrutés localement sortent généralement tout juste de formation, et repartent rapidement.

« Il y a un turn-over très important, on a du mal à fidéliser. Il faudrait revaloriser ces postes », juge David Ghisleri, responsable régional du syndicat Alliance. « On pourrait faciliter l’accès au logement, proposer des primes aux agents qui restent plusieurs années, comme ça se fait en région parisienne », ajoute-t-il. « Il y aurait beaucoup de leviers à activer si les pouvoirs publics se saisissaient du problème à bras-le-corps. Mais ce n’est pas nécessairement le cas de la part de l’État ».

Source: Le Parisien