Distribution : " Les chasseurs s’activent autour de Casino "
Un supermarché Casino, à Montpellier, le 24 mai 2019. PASCAL GUYOT / AFP
La bête est aux abois, les veneurs sortent les trompes pour sonner l’hallali et raconter l’exploit de la chasse. Le sort de Casino, le plus ancien des grands distributeurs français, ne lui appartient plus. Dimanche 14 mai, l’un des chasseurs, Moez-Alexandre Zouari, est sorti dans les médias pour défendre son projet de reprise et proposer une alliance avec son rival Daniel Kretinsky, l’homme d’affaires tchèque (par ailleurs actionnaire indirect du Monde), qui vise la même proie.
Au fur et à mesure que le cancer de la dette ronge le groupe, tout le petit monde de la distribution française s’approche de l’animal pour le renifler : Carrefour, Auchan et Intermarché allié avec Teract.
Cette société réunit les agriculteurs coopératifs d’InVivo, les hommes d’affaires Matthieu Pigasse et Xavier Niel (actionnaires à titre individuel du Monde) et l’un des principaux franchisés du groupe Casino, le même Moez-Alexandre Zouari. Ce dernier déploie un discours offensif pour séduire les actionnaires et dirigeants de Casino, à commencer par Jean-Charles Naouri, le propriétaire de Casino.
Retrouver de la souplesse
Il propose un modèle d’intégration verticale s’appuyant sur les producteurs des 188 coopératives d’InVivo et s’alliant avec Intermarché et ses 56 usines pour fabriquer les produits propres, de marque distributeurs, qui pourraient représenter jusqu’à la moitié des ventes du groupe. Une stratégie qui se veut en rupture avec le modèle traditionnel de négociations commerciales avec les industriels indépendants.
Sujet éternel : depuis que la division du travail existe, faut-il tout faire soi-même ou préférer l’échange commercial ? Le rôle d’intermédiaire des distributeurs les condamne à naviguer en permanence entre la tentation de la verticalisation, qui promet de meilleures marges mais est coûteuse en capital et réduit la concurrence, et celle de l’intermédiation pure, plus dynamique, mais aussi plus fragile. Les temps actuels, plus difficiles, paraissent se prêter à la première approche. Le succès d’enseignes comme Decathlon, voire Lidl, semble plaider pour cette voie.
Mais pour en atténuer le coût et retrouver de la souplesse, l’autre tendance à la mode est celle de la franchise, voire du groupement d’indépendants, supposé libérer les initiatives. Cette fois, c’est le modèle Leclerc ou Intermarché, qui, avec leurs marges supposées supérieures à celles des grands groupes intégrés comme Carrefour ou Casino, fait école. Avec, en juge de paix, un consommateur inconstant, blessé par l’inflation et séduit par les sirènes du discount. C’est lui qui a lancé la chasse.
Source: Le Monde