A Grenoble, le recours à l’écriture inclusive par l’université retoqué

May 15, 2023
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Le tribunal administratif de Grenoble a-t-il porté un coup à l’usage de l’écriture inclusive ? Dans une décision rendue jeudi 11 mai, la juridiction a annulé une délibération prise le 16 juillet 2020 par le conseil d’administration de l’université Grenoble-Alpes approuvant les statuts du service des langues de l’établissement.

En cause : le recours dans ces derniers au « point médian », un signe typographique qui permet d’employer le masculin et le féminin dans un même mot. Le texte, incriminé par un professeur agrégé d’anglais, qui a saisi le tribunal administratif, précisait par exemple que « le·la directeur·trice du service des langues est élu·e pour cinq ans au bulletin secret » ou encore que « la séance est présidée par le·la directeur·rice sortant·e ». Cette décision relance le débat juridique sur l’utilisation de l’écriture inclusive dans les actes administratifs.

L’exigence de « clarté et [d’]intelligibilité »

Pour annuler la délibération instaurant les nouveaux statuts, le tribunal administratif de Grenoble s’est fondé sur la nécessaire « clarté et intelligibilité de la norme », une exigence posée en 1999 par le Conseil constitutionnel. Pour le juge, l’utilisation à de multiples reprises du point médian n’assurerait pas au document « un niveau de clarté propre à garantir son accessibilité immédiate ».

Une interprétation que conteste Benjamin Moron-Puech, professeur de droit à l’université Lumière Lyon-II, lui-même usager de l’écriture inclusive dans des sujets d’examen. Selon lui, « le principe de clarté et d’intelligibilité de la norme, dégagé par le Conseil constitutionnel en 1999, a été utilisé dans des cas bien particuliers qui ne correspondent en rien à l’utilisation qui en est ainsi faite ».

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Pour le juriste, ces deux exigences ont parfois donné lieu à censure, mais « toujours dans des cas factuels » : deux délais contradictoires, loi relative aux députés mais affectant les sénateurs, etc. « En prenant le contre-pied du tribunal administratif de Grenoble, on pourrait même dire que les statuts de l’université contribuent à la nécessité constitutionnelle de normes précises et non équivoques, développe-t-il. Le texte est précis : il lève les éventuelles ambiguïtés sur le genre de ses destinataires. Et non équivoque : quiconque le lit sait qu’il s’agit d’écriture inclusive. »

Une plaque inclusive admise à la Mairie de Paris

Pour asseoir son argumentation, le tribunal administratif de Grenoble s’appuie par ailleurs sur une déclaration du 26 octobre 2017 de l’Académie française. Dans ce texte, les Immortels alertent sur une langue « en péril mortel » face à l’« aberration “inclusive” » : « La multiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu’elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. » Dans une décision du 14 mars, le tribunal administratif de Paris avait eu un autre usage de l’avis des académiciens, considérant que leur lettre ouverte du 7 mai 2017, dénonçant elle aussi l’écriture inclusive, était « sans incidence » sur la légalité d’une décision de la Mairie de Paris.

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Source: Le Monde