" Jeanne du Barry ", au Festival de Cannes 2023 : à la cour du roi Louis XV, Maïwenn dans le reflet de la favorite

May 16, 2023
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Louis XV (Johnny Depp) et Jeanne du Barry (Maïwenn), dans « Jeanne du Barry », de Maïwenn. STÉPHANIE BRANCHU/LE PACTE

SÉLECTION OFFICIELLE – HORS COMPÉTITION – L’AVIS DU « MONDE » − POURQUOI PAS

Film d’ouverture cannois en même temps que sortie nationale (mardi 16 mai), Jeanne du Barry, de Maïwenn – consacré au destin de la courtisane d’extraction populaire et à l’hostilité que lui vaudra à la cour son commerce avec le roi Louis XV –, se confronte au délicat défi du film d’époque et, en son sein, à ce que l’on pourrait plus précisément nommer le « film de cour ».

C’est-à-dire le plus redoutable d’entre tous, celui dont la pompe intrinsèque ripoline la plupart des productions dévolues au genre, à grand renfort de décors rutilants, de complots d’alcôves, de grandes vedettes poudrées parlant beau, riant fort, se répandant, autrement, en messes basses. Soit une conception du cinéma appliquant au média la méthode même par laquelle la monarchie absolue aura domestiqué et dévitalisé la noblesse française.

Peu d’exemples sortent de cette ornière, si ce n’est celui, pétillant et irrévérencieux, de Sacha Guitry (Si Versailles m’était conté…, en 1954), ou celui, réaliste et antispectaculaire, de Roberto Rossellini (La Prise de pouvoir par Louis XIV, en 1966). Maïwenn, quant à elle, reste fidèle à son inspiration, qui consiste à ne pouvoir créer qu’à partir d’elle-même.

Jetant son dévolu sur la favorite de Louis XV – après la version hautement fantaisiste d’Ernst Lubitsch en 1919 et celle, pittoresque, de Christian-Jaque en 1954 –, elle ne va donc pas tant vers la du Barry qu’elle ne la tire à elle, donnant, semblablement, de la cour du roi Louis XV une image qui lui est familière, et qui pourrait évoquer le milieu du cinéma tel qu’elle le perçut quand, ancienne épouse du roi du cinéma français Luc Besson, elle chercha à en pénétrer les arcanes. Soit un film avec, oserait-on dire, Jeanne du Barry (1743-1793) dans le rôle de Maïwenn, et Louis XV dans celui de Luc Besson, Johnny Depp servant en l’espèce de corps conducteur idéal entre ces deux souverainetés déchues.

Clan des ennemis

Le film – hors un prologue et un épilogue narrés en voix off qui étendent le destin de la du Barry vers son enfance et sa mort – se concentre, pour l’essentiel, sur ses années de cour (1768-1774), entre le moment où elle va raviver la passion d’un roi sexagénaire que la mort, en 1764, de la marquise de Pompadour a rendu inconsolable, et celui où le clan de ses ennemis, mené par les trois filles du roi, qui rallient dans leur combat la jeune dauphine Marie-Antoinette, la chasse impitoyablement de Versailles à la mort du souverain, en 1774.

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Source: Le Monde