"200 fois plus puissant que le cannabis" : le HHC est encore en vente, mais plus pour longtemps
Le HHC est un dérivé du cannabis, mais produit de façon artificielle. Sa vente est pour le moment libre en France, mais le ministère de la Santé souhaiterait l'interdire. Dans la Marne, des boutiques en font leur commerce. On fait l'état des lieux.
HHC : trois lettres qui font beaucoup parler d'elles, depuis le 15 mai. Ce jour-là, François Braun est invité de la matinale radio et télé de franceinfo. Le ministre de la Santé annonce à nos confrères sa volonté d'interdire ce "cannabis de synthèse". "De toute évidence, c'est un produit qui entraîne une addiction forte, c'est un dérivé du cannabis, des effets psychotropes importants", a souligné François Braun. L'interdiction devrait rentrer en vigueur d'ici quelques semaines.
Ce produit qu'on appelle HHC (NDLR : pour Hexa Hydro Cannabinol) ne contient pas de THC, la molécule contenue dans le cannabis. Pour autant, il peut avoir des effets plus puissants. Il existe un rapport à ce sujet, de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (en anglais). Des ressemblances entre HHC et THC sont évoquées, mais il ne va pas plus loin pour le moment.
Le produit n'est, à cet instant, ni interdit ni autorisé par la loi. Il est très prisé et est en vente libre, comme c'est le cas par exemple à Reims (Marne). Tous les commerçants ne sont pas prêts à le vendre, et certains spécialistes de la santé restent prudents.
Le HHC est synthétisé sous plusieurs formes : fleur, résine et liquide. • © CHRISTOPHE MASSON / MAXPPP
Des boutiques spécialisées entre autres dans le HHC
Il suffit de taper "HHC Reims" sur un moteur de recherche, pour trouver une boutique qui vend ce produit, dans la ville. Elle se présente comme "salon de thé", quelque part dans Reims. Sur leur site, des posts le montrent en vente sous différentes formes. Des fleurs, de la résine ou encore en cigarette électronique. Quand il ne s'agit pas de recharges pour ces cigarettes électroniques. Nous nous sommes rendus sur place.
Dans les rayons, plusieurs bocaux opaques sont disposés de part et d'autre. Les prix et les quantités disponibles sont indiqués dessus. On peut y lire par exemple que la "Amnesia HHC" ou la "Harlequin HHC" sont à 8 euros 90 le gramme. "Les clients les achètent, après ils sont responsables de leur consommation. Notre clientèle est très homogène. On pense que ce sont les jeunes qui viennent le plus, mais ce sont surtout les adultes de 30 à 50 ans. Parfois au-delà", indique une employée de la boutique.
Interrogée sur une éventuelle interdiction du produit en France, elle n'est pas étonnée. "C'est normal et ça s'entend que l'Etat veuille reprendre le contrôle dessus pour éviter les abus. En revanche, le risque est qu'énormément de personnes vont aller chercher des substituts au mauvais endroit, donc je ne sais si ce serait bénéfique. Certains acheteurs prennent justement du HHC pour arrêter le THC. Ils se plaignent que le CBD n'est pas assez puissant et que le THC le soit trop. D'autres savent que le HHC passe aussi pour la conduite, et garder son permis", complète l'employée.
Le HHC est appelé parfois "cannabinoïde de synthèse". • © France 3 Reims / France Télévisions
Les bureaux de tabacs très réservés
Côté bureaux de tabacs, certains en France ont choisi de commercialiser ce produit. Dans la Marne, la consigne est très claire, pour le président de la fédération des buralistes. "On a prévenu le réseau de ne pas vendre ça, d'être très prudent, car il est considéré comme stupéfiant", précise Alain Sauvage.
Ce point reste encore flou aujourd'hui. Un des articles à ce sujet dans le code de la santé publique n'évoque que "les tétrahydrocannabinols, naturels ou synthétiques, leurs esters, éthers, sels ainsi que les sels des dérivés précités et les produits qui en contiennent", comme stupéfiants.
Pour sa part, le président de la fédération ajoute : "Ceux que j'ai vus à l'heure actuelle ne vendent pas ça. Je n'ai pas vu de vente de ces produits dans notre réseau officiel des buralistes. C'est sur les sites internet et peut-être des boutiques de vente de CBD". Il sait néanmoins que le produit est demandé par une certaine clientèle : "Ce serait les jeunes de 25 à 35 ans". Le choix de ne pas vendre ce produit ? Il le prend pour des raisons de santé : "Je constate que d'après des études scientifiques, ce sont des psychotropes qui ont des conséquences neurologiques sur les consommateurs".
La consigne est bien suivie, à l'image de ce bureau de tabac à Reims. Au Fontenoy, le message est concis : pas de vente de HHC. "Aujourd'hui, il y a plein de produits comme le CBD qui sont légaux, ou encore les puffs. En tant que buralistes, on doit être exemplaires et appliquer la réglementation. Il faut faire attention à ces nouveaux produits et à la clientèle que cela pourrait drainer. Si ce sont les mineurs par exemple, c'est formellement interdit", rappelle Harry Deliau, buraliste.
Une hausse des consultations due entre autres au HHC
La région Grand Est est une des régions où l'on consomme le plus de HHC, à en croire une spécialiste. "En terme de consultations, je vois une hausse. Il s'agit de patients jeunes, qui viennent pour des symptômes de sevrage forts et rapides, par rapport aux cannabinoïdes de synthèse. Ils les consomment surtout en vapotage, avec les e-liquides. Au début, ils se les procuraient sur internet, et maintenant c'est en boutique. Pour les autres cannabinoïdes de synthèse, ils se les procurent dans la rue ou aussi sur internet", constate Gwénolé Martinot.
La médecin-addictologue à l'association Addictions France exerce aussi à l'hôpital de Troyes (Aube). Elle pointe des "effets proches de ceux du cannabis", pour une substance "produite en laboratoire". Le ressenti est tout de même plus fort. "Il s'agit d'une substance de synthèse, ce n'est pas issu d'une plante. Les usagers l'utilisent pour retrouver des sensations d'euphorie, de détente, la sensation de planer. Les effets peuvent être 200 fois plus puissants. Les effets secondaires sur le plan psychiatrique sont des attaques de panique, de la paranoïa ou des bouffées délirantes", avertit la docteure.
L'avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est attendu. Une fois rendu, il doit être le prélude à une inscription de cette substance parmi les "stupéfiants". Ce qui pourrait alors rendre les usagers passibles, au maximum, d'un an de prison et de 3 750 euros d'amende.
Source: France 3 Régions